THÈME : NOUVEAU MONDE
Mots imposés : répugnant, poudre d escampette, construction, espoir, gouvernement, survivants, véhicule, culture, perle, tatouage
La sirène n'en finissait pas. Longue, avec des sonorités aiguës et basses, par intermittence, elle terrorisait. Elle effrayait le peuple surtout. Un par un, les habitants de la ville s'arrêtèrent, posaient leurs outils et baissèrent la tête. Personne n'osait regarder son voisin de chantier, ou même la milice qui passait en courant, arme au poing. Cette sirène là, c'était la musique de l'évasion. Quelqu'un avait pris la poudre d'escampette et était sorti de l'enceinte de la ville. Un exploit, une folie. Un suicide. Les véhicules sillonnaient les rues, et ça, c'était quelque chose de rare ; en effet, ils étaient réservés à l'Elite, et ne sortaient qu'en de rares occasions - défilés de force, évasions, urgences pour les Elitiens, la perle de la perle.
Léa, première ouvrière au chantier sud, gardait la tête baissée mais elle ne pouvait s'empêcher de ressentir un soulagement et une jalousie et un espoir en pensant à David qui devait être assez loin de la ville maintenant. Ils ne sonnaient que quand ils n'avaient pas d'autres moyens de retrouver les fugitifs. C'était un signe de défaite. Et ça, Léa ne pouvait que s'en réjouir ! Ainsi donc, le gouvernement pouvait être berné. Il était juste dommage que les autres ne le sachent pas, ou n'en tirent pas parti.
Léa et David faisaient partie d'un groupe de survivants de la dernière guerre mondiale, nucléaire celle-ci. C'est en 2067 que les choses ont dérapé. Une guerre sans fin, jusqu'à ce qu'un pays se décide à tout faire péter. Ce fut une catastrophe sans nom, un désastre. Puis, quelques survivants ont refait surface une fois leur bunker à sec. D'autres étaient assez loin des points d'impact et de radiation, et ils avaient marché, survécu comme ils pouvaient. Puis enfin, ils avaient été ramassé lors des rafles du gouvernement qui avait besoin de main d'œuvre pour avancer dans les constructions de Paradise Meadows, une cité où les Elitiens seraient les maîtres du monde.
Léa et David s'étaient rencontrés pendant le froid nucléaire, les quelques années qui séparent les bombes de l'après. Du nouveau monde. Ils avaient marché ensemble, flirté, et enfin, ils avaient été capturés. C'était soit le travail, soit la mort. Ou pire encore : un aller simple pour les mines irradiées afin d'en extraire le minerai nécessaire à la combustion des moteurs pour les machines et les voitures. Un travail répugnant, où il fallait supporter l'odeur des voisins qui ne s'étaient pas lavé depuis leur entrée, où les toilettes étaient aussi les endroits où l'on mangeait la rare nourriture que l'on daignait apporter aux mineurs. La mort à petit feu. Un sort réservé aux renégats, aux évadés, aux criminels. Pour les reconnaître, on leur faisait un tatouage sur le front qui représentait un crâne. Avec ça sur la tête, vous étiez mort d'avance.
Les sirènes s'arrêtèrent enfin. Mais pas l'agitation de la milice qui rudoyait les ouvriers en leur sommant de se remettre au travail, ce qui réjouit Léa. S'ils devaient se remettre au travail alors que la règle voulait un immobilisme total lors d'une évasion, c'est qu'elle était réussie. De mémoire, c'est la première fois que cela arrivait. S'ils avaient rattrapé David, une sirène différente aurait retentit pour avertir les prochains candidats à la fuite que c'était peine perdue.
Léa se remit donc au travail, tapant dans les pierres avec sa pioche, souriant. Elle était ravie pour lui et elle espérait qu'il ne l'oublierait pas. Elle avait promis de rester sage en attendant un signe. Elle devait rester ici et attendre. Assez de temps pour tenter sa chance quand le moment serait venu. Lui, il chercherait de l'aide quelque part. Ils s'étaient dit qu'il ne devait pas rester que cette ville dans le monde, c'était impossible. Tout ne pouvait pas qu'être ruines et désolation.
Ce que Léa ignorait, c'est que, bien que victorieux de son évasion, David s'était lancé dans les enfers. Après avoir couru sur des kilomètres entiers, être passé par des champs et diverses cultures étranges, il était arrivé près d'un dôme. A l'intérieur, il pouvait le voir, il y avait des arbres gigantesques, de l'agitation, de la vie. Il n'avait pas vu arriver les soldats derrière lui. Et quand il se réveilla, il constata avec effroi qu'il était dans un deuxième Paradise Meadows...
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VIENS LÀ! N'AIE PAS PEUR
Horrorrecueil d'histoires courtes, en collaboration avec Driller_Killer, sur le principe du texte-challenge, avec un thème et dix mots communs pour chaque texte.