Driller_Killer
THÈME : ENQUÊTE EXCLUSIVE— Allez, grouille ton cul Benjy... On va être en retard pour l'interview !
— Ouais, j'arrive Linda !
Les deux journalistes courraient presque dans les rues de Lille sous la pluie. Enfin ! L'interview qu'ils attendaient depuis deux semaines allait pouvoir se faire ! Il s'agissait d'asticoter le patron du grand magasin de la rue des Tanneurs pour savoir tous les secrets de ses cuirs. Le patron n'était que peu présent - préférant sans doute aller flâner dans ses résidences secondaires - alors obtenir un rendez-vous avec lui était une chose qui relevait du miracle ! L'émission devait être bouclée la semaine suivante, il ne manquait plus que cette séquence pour scotcher le public. C'est qu'il avait fait parler ce magasin ! Tout le monde venait des quatres coins de la France pour l'une des seules boutiques de vrai cuir à bon prix.
Quand ils arrivèrent devant le bureau de David Tonportmoné, ils ne s'attendaient pas à ce que ça soit un homme si vieux qui leur ouvre.
— Bonjour, vous venez pour "Enquête Exclusive" je présume ? marmonna le vieux en mâchonnant un cigare éteint.
— Oui ! Moi c'est Linda et lui c'est Benjy ! répondit la journaliste en montrant son équipier.
—Tant mieux pour vous ! Asseyez-vous qu'on en finisse ! Si vous saviez le nombre de fois où l'on m'appelle pour savoir comment je fabrique mes cuirs en peau humaine !
— Pardon ? demanda Benjy interloqué.
— Je vous pardonne mon p'tit. Dites, comment avez-vous fait pour devenir journaliste aussi jeune ?
— Heu... Les études sont faciles. Dites, depuis quand vous êtes dans le commerce ?
— Hé là ! Doucement mon petit, on arrive dans le vif du sujet en douceur normalement ! On ne vous apprend pas les bonnes manières dans vos écoles de merdias ?
Benjy suffoqua, de gêne et de colère. Il avait pourtant l'habitude de se faire insulter, très souvent, mais ce bonhomme là était d'une autre trempe. Un homme riche, très riche, qui gouvernait, sans le montrer, tout un monde grâce à son commerce et ses contacts. On prétend même qu'il serait proche de la présidence et que son entreprise intéressait l'Amérique. Il se ressaisit et continua.
— Hum... Désolé monsieur.
— C'est un bon début ! Prends un cigare et allume le, tu vas voir, t'en as jamais dégustés des comme ça ! Et la demoiselle, elle va rester silencieuse comme ça longtemps ?
Linda sursauta, elle était occupée à regarder les livres qui décoraient le bureau de Tonportmoné. Des livres sur les cuirs des temps préhistoriques à l'ère moderne, les cuirs de vache, de bison, de crocodile... Des livres d'anatomie humaine aussi.
— Hé la donzelle ?! Si vous n'écoutez pas vous pouvez disposer ou aller nous chercher un petit café, vous savez au moins faire ça non ?
— Pardon? demanda Linda énervée. Je suis journaliste monsieur ! Et si notre article vous dérange tant que ça, nous pouvons vous laisser et dire à nos téléspectateurs que le patron de Cuir and Co n'a pas daigné s'exprimer. Ce n'est pas un souci et cela me fera gagner du temps pour des choses plus... importantes !
— On a un caractère je vois ! Parfait ! Asseyez vous donc ! Et commençons ! Que voulez-vous savoir ? Je serais le plus honnête possible !
— Bien, commença Benjy, comment vous est venue cette idée de vendre du cuir ? Comment avez-vous commencé ?
— Par le commencement pardi ! s'écria David. J'étais un minot, comme vous, puis j'ai travaillé sur les marchés, ensuite dans des maroquineries, ensuite de fil en aiguilles, belle expression d'ailleurs, j'en suis arrivé à monter ma boîte ! Je parviens à trouver les meilleures peaux à tanner, et croyez-moi, c'est un sacré don !
— Bien... Merci. Ensuite, il est raconté dans tous les salons que votre commerce est quelque peu... controversé... Pourriez-vous nous éclairer sur la légende des peaux humaines ? Car je présume que c'est pour ça que vous disiez cela tout à l'heure ?
— C'est une légende selon vous ?
— Il ne peut en être autrement ! répondit Benjy, amusé.
— Hé ben mon coco, va falloir que tu viennes dans la salle de tannerie alors !
Sur ces paroles, David se leva et invita les deux journalistes à descendre. Ils entrèrent dans une salle immense à l'odeur de charogne. Des employés en combinaison tannaient à l'ancienne des morceaux de peau, les grattant et les battant sur des planche de bois. Linda s'approcha un peu du premier ouvrier à sa portée et constata horrifiée que David disait vrai. C'est une peau humaine qui se trouvait là, sur la planche... Elle savait que c'était vrai car un pied gisait sous la table.
— Ha oui, excusez le désordre, nos découpeurs oublient parfois des membres, normalement ces parties là sont envoyées chez Mekdonald...
Benjy et Linda retinrent un haut-le-coeur et firent semblant de rien. Ils tenaient là le scoop du siècle, il ne fallait rien faire capoter.
— Venez, on va voir ce qu'on fait des peaux une fois le cuir propre ! Le séchage et l'assemblage !
Ils arrivèrent devant des étendues de fils suspendus avec des morceaux de peau dessus, des petits et des grands, allant de la peau blanche porcelaine à la noire ébène.
— Voyez, là elles vont sécher quelques jours et ensuite, mes meilleurs couturiers vont en faire les sacs et autres merveilles que vous pouvez acheter à bas prix dans mes boutiques !
— Merci monsieur pour votre interview fort documentée ! déclara Benjy. Nous vous enverrons l'épreuve de l'émission avant de la diffuser !
— Ha mais vous avez cru que je vous laisserais partir ? s'esclaffa David. J'ai accepté de vous recevoir parce vous avez l'air d'être pile ce qu'il me faut pour tester les sandales de l'été qui approche ! Des jolies sandales en cuir de femme et la sacoche en cuir de con !
L'éclat de rire qui s'ensuivit ne fut rien comparé aux cris d'horreur que poussèrent les deux journalistes au moment où on les assomma pile sur le sommet du crâne.
L'émission fut bien sûr diffusée sans leur reportage, mais quelqu'un, dans les téléspectateurs portait les nouvelles sandales de l'enseigne.
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VIENS LÀ! N'AIE PAS PEUR
Horrorrecueil d'histoires courtes, en collaboration avec Driller_Killer, sur le principe du texte-challenge, avec un thème et dix mots communs pour chaque texte.