Agacements

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Durant le reste de l'heure, la dernière phrase que m'avait dit Kim Taehyung se répétait des centaines et des centaines de fois dans ma tête. Princesse ? Même si je ne voulais pas l'avouer, ce mot me faisait de l'effet une fois sorti de sa bouche. D'un côté, je pense que je devrai essayer d'en apprendre plus sur lui mais timide comme je suis ça ne me facilitera pas la tâche. Et d'un autre côté je ne devrai même lui donner la moindre attention. C'est vrai quoi, pourquoi attirer l'attention de la nouvelle alors que toutes les filles du lycée sont sur lui ? Je ne comprendrai jamais, décidément. 

La sonnerie retentit et à ce moment, mon ventre gargouille. Pas étonnant, c'est l'heure de manger ! Je prends mes affaires et sort de la classe en direction des casiers. Voilà le moment que je redoutais (presque) le plus. Choisir un casier libre. Je déambule dans le couloir, observant chaque casier pour voir si au moins, ne serait-ce qu'un seul soit libre. J'aperçois enfin un casier vers le fond du couloir, personne n'y est. Bon, au moins, je n'aurai pas à demander à quelqu'un de partager le sien avec moi ! Je marche jusqu'à être devant. Bizarrement, tout le monde me regarde avec pitié et surprise. Je décide de ne pas en prendre compte et tourne la tête, gênée par tous ses yeux dirigés vers moi. 

Je m'apprête à l'ouvrir quand on me tire en arrière et on me traîne jusqu'au milieu du couloir. Je tourne la tête entre deux débattements et hallucine quand je vois Kim Taehyung me tirer par le sac. 

- Hors de question, ma belle. Ce casier a déjà eu plusieurs propriétaires et tous ont été victimes de farces et harcèlement par Kim Namjoon. Tu partageras mon casier avec moi.

- Mais, je fais ce que je veux... Criai-je tout doucement, n'arrivant pas à hurler à cause de ma timidité

- Non. C'est avec moi, un point c'est tout. Dit-il avant de me lâcher, devant son casier

Le sien ressemblait un peu à l'un de ces fameux casiers dans les séries américaines. Des dessins par ci par là, des autocollants de basket-ball un peu partout également, ainsi que des mots doux de la part des filles. Rien qu'à regarder son casier, j'avais envie de fuir. C'est le casier typique d'un garçon chiant et populaire. En gros, ce casier le représentait très bien. Mais je pense que je ne supporterai pas les lettres d'amours dans le casier toutes les heures...

- Désolée, mais je préfère heu... Bafouillai-je, n'arrivant pas à finir ma phrase tellement j'étais gênée par son regard intense sur moi

- Tu préfères ?... Dit-il en se rapprochant de moi

Les mots ne pouvaient plus sortir de ma bouche. Je fixais mes chaussures, jouant avec le bord de ma jupe avec mes doigts. Il était si proche que je pouvais sentir son souffle sur mes cheveux. Ce mec était immense. Il faisait au moins trois têtes de plus que moi.

- Viens, c'est l'heure de manger. Déclara-t-il, me relevant le menton de sa main avant de m'emmener vers le réfectoire

- Qui t'a dit que j'allais manger avec toi ? Demandai-je, mon assurance prenait petit à petit la place de ma timidité

- Moi. C'était pas une question de toute façon. Dit-il avant de me tirer par le bras vers la porte

- Mais...

- Mais ?

- Je dois rejoindre ma meilleure amie à midi et je dois manger avec elle... Marmonnai-je 

- Elle a cas manger toute seule, elle s'y fera ! Ignora-t-il 

En entendant ses propos, la rage en moi ressortit comme un coup de tonnerre. Alors non seulement il me dicte quoi faire, mais en plus, il veut que j'abandonne le seul être qui m'est le plus chère dans ce lycée ?! La timidité disparu avait laissé place à la haine et mes poings se serraient très fort. Je sentais le rouge me monter au visage et j'avais l'impression que mes oreilles sifflaient. 

- LACHE-MOI ! Criai-je, une larme de rage coulant sur ma joue

- Depuis quand tu cries toi ? Se moqua-t-il 

Je me rendais seulement compte maintenant que tout le monde me regardait. J'ai vraiment crié dans le couloir du lycée ? Moi, Yon Yuri, je me suis mise en colère ? Impossible. Pourtant, c'était vraiment arrivé. Et comme à son habitude, je recommençai à avoir honte de moi, ma timidité repris son trône. Mes joues devinrent rouges et je baissai la tête, désespérée. Je me désespère moi-même, c'est possible, ça ?

- Pardon, je-je...

Je suis à deux doigts de fondre en larmes, là. Vu la sensible que je suis, cela ne m'étonne pas. J'ai toujours été comme ça, enfin presque. C'est surtout depuis que...

- Hey... Tout va bien, d'accord ? Me chuchota-t-il relevant une nouvelle fois mon menton

- Pourquoi tu m'adresse la parole ? Pourquoi moi ? Il y a tellement plus drôle, plus intelligent, plus belle, plus forte, plus confiante que moi ? Dis-je doucement, une deuxième petite larme au coin de l'œil

Il ne répondit rien et me regarda longtemps dans les yeux. Cette fois-ci, je ne pouvais pas le fuir. Il me maintenait par la taille de ses bras et j'étais presque collée à lui. A ce moment précis, j'oubliai tout autour de moi. Les gens, le bruit, le temps, mes connaissances, ma timidité même. Je ne pouvais voir que lui, lui et seulement lui. Pour la première fois dans ma triste vie, j'avais réussi à faire abstraction de tout autour de moi et de me focaliser sur ce qui me rends heureuse. Pourtant, ce garçon est tout l'inverse, arrogant, populaire, égocentrique, possessif... Je pourrai continuer longtemps comme ça. Mais malgré l'innombrable liste de défauts que possède Kim Taehyung, quelque chose en lui me rends heureuse, me fait sourire. Je ne sais pas à quoi je fais allusion, et mon cerveau n'a certainement pas envie de le découvrir, mais mon cœur, si. Nous restons là, l'un contre l'autre, nos regards enlacés par une chaîne encore inconnue de nous deux. Même si je ne suis pas dans sa tête, je peux comprendre que je ne suis pas la seule à ressentir cela. A ressentir ces menottes qui nous sont attachés et dont on ignore la provenance. Je ne pourrai même pas vous dire si j'ai entendu la sonnerie ou un quelconque surveillant nous rappeler à l'ordre, beaucoup trop concentrée, beaucoup trop focalisée. Malheureusement, toutes les bonnes choses ont une fin. Si seulement j'avais pu rester comme ça toute ma vie. Le directeur lui-même nous donna un petit coup d'épaule et nous nous excusâmes auprès du personnel avant de rejoindre le réfectoire sans un mot de plus.

Le repas se déroula dans le plus grand des silences, même lui ne parlait plus. Nous regardions nos assiettes, sans lancer un seul regard à l'autre. Qu'est-ce qu'il venait de se passer, exactement ? Regrettait-il ce moment de faiblesse ? Est-ce que je venais de me faire détester par le garçon le plus populaire de l'école ? Je ne sais pas ce qu'il se passe dans sa tête, mais je pense que c'est aussi bazardé que dans la mienne, vu son expression de visage. Il a l'air pensif, réservé, ne se focalisant que sur une chose, un geste mécanique, celui de lever sa fourchette pour manger. Je faisais la même chose. Ce silence, devenu gênant et trop calme pour ma part, je me levai et posa mon plateau sur le chariot avant de partir à marche rapide dans la cour. Je cherche un endroit, un endroit ignoré de tous, un endroit où je pourrai être tranquille. 

***

Enemy- TOME 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant