Prologue

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Automne de l'an 335 avant J.-C.

La rumeur courait dans les rues d'Athènes, à travers sa chaleur étouffante, sous les porches des maisons et dans les cours : le roi Alexandre de Macédoine venait de mourir ! Il avait succombé à un coup ennemi sur un champ de bataille, au nord de son royaume. C'en était fini de la domination macédonienne sur les Cités grecques, imposée des années plus tôt par son père, le roi Philippe II. La Ligue de Corinthe qui les unissait, se souleva à nouveau contre la vacillante autorité souveraine.

Elle était menée d'une main de fer par l'orateur athénien Démosthène, chef du parti anti-Macédonien. L'homme était un héros au cœur de la Cité. Pour beaucoup, il inspirait le respect et l'identité même de leur indépendance. Il n'avait jamais perdu espoir ni courage face à l'adversité imposante de la Macédoine. Il avait vu, à l'occasion de cette nouvelle, le prétexte idéal pour attiser de nouveau les flambeaux de la révolte.

Tout le monde honorait sa parole et le tenait en haute estime. Tout le monde le saluait avec respect et suivait presque aveuglément ses décisions et ses conseils. Tout le monde s'inclinait. Tout le monde... sauf sa fille.

Iréné était lasse de la situation politique d'Athènes, oscillant constamment entre guerre et paix. Il fallait toujours demeurer sur le qui-vive, craindre les routes commerciales coupées, les défendre, créer des alliances avec les Cités ennemies, les rompre, et surtout remettre en cause la trêve, déjà fragile, instaurée avec le royaume de Macédoine.

Iréné aimait son père malgré tout. Il était sa seule famille. Et elle l'admirait sincèrement pour sa capacité à rallier, grâce à sa rhétorique, les opinions divergentes. Elle pensait même devoir sa propre opiniâtreté à la sienne. Pourtant, il y avait une chose qu'elle n'avait jamais acceptée et que son père avait forcée : son mariage.

Il l'avait donnée à l'un de ses élèves, issu de la meilleure société athénienne.

Elle était unie depuis deux ans à un homme qui aspirait à la même carrière que son père et qui avait été élu au sein du Conseil d'Athènes. Il s'appelait Hémon. Hémon. Il n'y avait pas plus arrogant et prétentieux que ce prénom. Alors que son époux n'avait rien d'arrogant ni de prétentieux. De fait, il avait toujours paru fade à ses yeux. Il était bien fait et gentil, mais elle s'en était désintéressée depuis le premier jour. Hémon était dévoué à son père, c'était suffisamment agaçant comme ça.

Parfois Iréné se demandait si les autres femmes se rendaient compte de leur condition. Elle ignorait si c'était parce qu'elle espionnait les réunions de son père avec les hommes de pouvoir d'Athènes depuis qu'elle était petite, ou parce qu'elle lisait les nombreux livres que son père et son mari conservaient dans leurs bibliothèques, mais elle percevait bien la grande injustice faite aux femmes. Aucun rôle en société, elles n'étaient là que pour enfanter.

Seulement Iréné n'était toujours pas tombée enceinte.

Son ventre restait vide.

Dans leurs brasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant