Iréné roulait dans son lit, incapable de dormir. Elle avait chaud, et son esprit n'arrêtait pas de remuer de sombres hypothèses. Daphné avait peut-être bien dit juste, son père et son époux seraient tous envoyés dans les mines de sel et elle ne doutait pas que cette « amie » se chargerait de prendre sa maison. Démosthène et Hémon exilés, voire pire, Iréné ne resterait pas seule à Athènes. Elle partirait. Où ? Comment ? Sparte ? Vraiment ?
La jeune femme poussa un soupir.
– Maîtresse ? appela la petite voix de sa servante.
– Quoi ? grogna-t-elle en s'essuyant le front.
Elle attendit une explication, mais rien ne vint.
– Parle.
– Il y a un homme dans la bibliothèque.
Iréné se redressa rapidement. Enfin des nouvelles de son père ! Elle repoussa la couverture et ne prit pas le temps d'enfiler une étole sur sa chemise fourreau de lin égyptien. Aussi sa servante bondit sur une large pièce de laine et la poursuivit dans le patio que sa maîtresse traversait pieds nus. Iréné s'élança dans la longue pièce aux armoires scellées de bronze. L'obscurité et le silence y régnaient en maîtres. Mais une petite lueur troublait le mur du fond. Elle ne laissa pas le temps à sa servante de la rattraper et s'avança d'un pas déterminé. Elle allait lancer un appel empressé à l'envoyé lorsqu'elle s'immobilisa, étonnée de ne pas reconnaître Hippolyte, le secrétaire de son époux, ou un serviteur de la maison de son père. L'homme lui tournait le dos et observait un vase vieux d'un siècle, posé sur l'un des meubles d'exposition parmi leur collection de céramiques.
– Qui es-tu ?
La silhouette enroulée d'un manteau couleur de nuit reposa l'objet.
– Vous avez des pièces merveilleuses.
Elle n'eut pas besoin de voir son visage pour savoir à qui appartenait cette voix grave au ton à la fois suave et inquiétant. Les mêmes cheveux blonds, le même regard intense et étrange, l'hématome sur son front qui ne s'apaisait toujours pas, Alexandre, roi de Macédoine, se tenait là, dans leur bibliothèque. Iréné se glaça comme si elle traversait les terribles montagnes enneigées du Nord lointain.
– Que fais-tu là ? souffla-t-elle en cachant mal sa terreur.
Sa jeune servante n'osait même pas entrer pour déposer la pièce de tissu sur les épaules frileuses de sa maîtresse.
– Je voulais te voir, se contenta-t-il de dire avec un mince sourire.
Ce qui ne fit qu'attirer un peu plus de méfiance sur cette visite impromptue.
– Et Phocion ? Démade ?
Alexandre ne répondit pas immédiatement.
– J'ai entendu leur parole, se contenta-t-il de dire.
Le cœur d'Iréné tambourinait dans sa poitrine. Il souhaitait vraiment la torturer sous son propre toit ?
– Et ?
– Il me manquait une voix.
Pourquoi rester aussi vague ! Il voulait la voir le supplier ?
– Tu veux savoir ce que je pense de ta demande ? reformula-t-elle incertaine.
– Dis-moi.
– Tu exiges la vie de mon père et de mon époux, que crois-tu que je ressente ?
Alexandre semblait guetter ses réactions. Ou la provoquer. Elle ne savait pas vraiment. L'appréhension était devenue son seul moteur.
– Je n'étais pas là lorsque la garde a exécuté Pausanias, l'assassin de mon père, déclara Alexandre. Mais j'ai quand même pendu son cadavre à l'entrée de la ville, il pourrit encore devant Pella. Alors crois-moi, je pense savoir ce que tu ressens.
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Dans leurs bras
Ficção HistóricaIréné, jeune aristocrate d'Athènes, a tout : un père riche et respecté en la personne de l'influent Démosthène, un caractère trempé et rebelle qu'elle devrait probablement mieux contrôler, une indépendance relative malgré un époux imposé. Jusqu'au j...