L'aigle frôlait les longues flammes qui léchaient les murs. Les corps calcinés et le silence qui entouraient le crépitement du feu feraient frémir Héraklès lui-même. Les ruines d'une Cité entière provoquaient une telle vision de désolation que le plus pur des déserts ne pouvait pas les concurrencer. Le rapace volait bas, épuisé, comme s'il allait se laisser choir d'un moment à l'autre. Et subitement, à défaut d'éviter les feux, il s'embrasa sans aucune source, en lâchant un hurlement lugubre.
Alexandre se redressa en retenant sa respiration, le front humide. Sa blessure à la tête le lancinait jusqu'à la nuque. L'aigle qui se brûlait les ailes à même ses erreurs, il n'avait pas besoin de voir un devin pour comprendre.
Thèbes. Thèbes... Il n'avait que des cris en tête. Et l'engouement du premier jour faisait place à l'horreur.
– Maître ?
– Apporte-moi de l'eau.
Le roi se leva et repoussa la draperie de sa tente. Le soleil se levait à peine. Il n'avait pas voulu rester près de Thèbes après ce qu'il s'était passé. Sur le coup, il avait surtout eu envie de marcher sur Athènes le plus rapidement possible afin de lui faire connaître un sort semblable. Mais à présent, il se rendait compte que c'était bien pour fuir le charnier qu'il était parti si précipitamment. Il ne pouvait plus qu'attendre des nouvelles de la Cité assiégée, partagé entre le désir de les voir ramper, et celui de rattraper Thèbes qu'il commençait à considérer comme une erreur.
– Alexandre, interpella son ami Héphaestion en s'approchant. Tu es bien matinal. Cauchemar ?
– Comme toujours, tu devines tout, répliqua-t-il avec une petite grimace.
Ils s'installèrent à l'entrée de la tente pour profiter de la fraîcheur matinale. Alexandre s'affala sur un siège, las de sa nuit sans sommeil. Son esclave revint avec une coupe d'eau froide que son maître se dépêcha de boire. Puis il jeta un œil sur son ami qui l'observait avec une légère inquiétude. Ses longs cheveux bruns, ses yeux clairs et ses traits doux l'avaient toujours captivé. Héphaestion était son meilleur ami et son meilleur confident.
– Alors ? demanda Alexandre, curieux de sa présence.
– Erasten l'Athénien est là.
– Et ?
– Il est manipulable, favorable à notre cause, et il connaît toute la Cité. Il va nous aider à retrouver l'inconnue de la rivière.
Alexandre ne put cacher un sourire satisfait. Ce regard vert plein de défi l'obsédait.
« Athènes » avait-elle répondu. Rien que cela ! Il devait la retrouver. Savoir qui elle était. Une femme noble, c'était quasi certain. Elle possédait l'Iliade et avait du répondant, il fallait être née dans un milieu qui en avait les moyens.
– Qu'attends-tu, appelle-le !
Héphaestion fit un signe de la main à l'un de ses hommes tandis qu'Alexandre se déplaçait pour plonger sa tête dans une bassine. L'eau fraîche lui éclaircit les idées.
– Majesté, salua maladroitement Erasten.
L'homme n'était pas vraiment à l'aise. Il ne s'attendait probablement pas à ce genre de rencontre matinale. Alexandre, lui, savait exactement comment mener ce genre de personnage opportuniste et malléable.
– Erasten, pardonne cet accueil, la nuit a été longue, déclara-t-il en passant un linge imbibé d'huile parfumée sur son visage.
– Tu es pardonné, évidemment, se pressa de répondre nerveusement Erasten.
VOUS LISEZ
Dans leurs bras
Historical FictionIréné, jeune aristocrate d'Athènes, a tout : un père riche et respecté en la personne de l'influent Démosthène, un caractère trempé et rebelle qu'elle devrait probablement mieux contrôler, une indépendance relative malgré un époux imposé. Jusqu'au j...