18. Une larme de fée

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Nous nous enfonçons dans une forêt scintillante. Les arbres... j'ignore sincèrement quelle est leur espèce, mais leurs feuilles ne sont pas vraiment des feuilles, ce sont des cristaux de toutes les nuances de vert possibles, des orbes arborescents et luminescents. Et malgré tout, ces étoiles d'arbre diffusent une forte odeur de prêle, tilleul et sapin, comme si seule l'essence de ce qu'elles étaient réellement comptait. Peu importe la forme, la matière, les êtres reflètent ce qu'ils sont à l'intérieur.

De ce côté, le ciel est très clair, d'un azur lumineux. La forêt mousse de rayons, c'en est éblouissant, au point que si je tends la main, j'ai l'impression de pouvoir cueillir des fleurs de lumière que je pourrai plonger dans ma poitrine et utiliser pour vaincre l'obscurité, pour ne plus jamais qu'elle ne revienne me gouverner.

Les arbres se dispersent doucement, frémissant sous le vent tremblant de paillettes espérant trouver leur raison de vivre sur nos joues. Quand on arrive dans la clairière bordée de lumière, nos pommettes en sont couvertes, comme si on brillait trop fort de l'intérieur et que ça avait finit par suinter de tous nos pores.

J'ai des noeuds dans le ventre, un amas de lianes qui s'entrelacent pour mieux se broyer. D'habitude, c'est ce que je ressens quand j'invente mes propres concepts et que j'ai l'impression de tout voir, tout savoir, de pouvoir devenir tout ce que j'ignore pouvoir être, quand je pense que je peux forcer le destin, taper du poing sur la table et avancer vers un monde plus coloré.

Marina s'arrête au milieu de l'herbe verte et scintillante, des brindilles pailletées et des coccinelles qui volent de plantes en plantes. Il n'y a personne, à part un lac d'eau sombre à quelques pas de nous, qui jure avec l'illumination du lieu.

— Qu'est-ce qu'on est censé faire ? demandé-je en détaillant tout autour de moi.

— Il faut les faire venir, répond Marina. Et les faire pleurer.

Je me tourne vers elle.

— Comment fait-on ça ?

Elle hausse les épaules.

— Elles sont sensibles à l'art.

— Hum, d'accord... et dans le cas où on est nul en arts ? grimacé-je.

Marina éclate de rire.

— Tout est une œuvre d'art, pour peu qu'on sache comment regarder les choses. Chaque objet porte la poésie, chaque pierre murmure une musique. Il suffit d'observer sous un autre angle.

Je lui jette un regard au coin.

— Même les affreuses démonstrations de théorème qui prennent trois pages ? plaisanté-je, en lui adressant un sourire taquin.

— J'imagine que oui, réplique-t-elle après un rire. Après tout, ces concepts et théories sont souvent l'œuvre de toute une vie.

— Qu'on avale et apprend en quelques heures, achevé-je en inspectant les feuillages avoisinants. Elles ont quelle taille, les fées ? j'interroge, en poursuivant mes observations.

— Ça dépend d'à quel point ta personne les touche, affirme Marina. Certaines arrivent même à te déchiffrer comme si tu étais un livre !

— Concrètement qu'est-ce que tu dois faire ?

— Je dois les faire pleurer d'émotion face à quelque chose que j'ai créé. N'importe quoi, tant qu'elles pleurent. Elles sont très timides, poursuit Marina, elles ne sortent que si elles le souhaitent. Et quand elles veulent aider des êtres humains, la plupart du temps ils les prennent pour des sorcières, alors elles n'aident que ceux qui viennent les chercher.

MARINAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant