24. Appendice : Une plume éclatante

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Les trois petites lettres viennent tout juste d'être écrites. Avec douceur, je retire le masque craquelé de mon visage. Brusquement, la pression de ma poitrine disparaît et mon cœur, léger comme un geai bleu, manque de peu de s'évader par la fenêtre entrouverte de ma chambre.

C'est terrible, cette manie qu'il a de toujours vouloir s'échapper de ma poitrine pour aller à la rencontre d'une plante, d'une hirondelle, d'un écureuil, d'une belette ou d'un livre abandonné sur un étal. Je le rattrape et le remets précieusement dans ma poitrine. Il n'y prendra plus jamais la poussière. Il ne grouillera plus jamais d'insectes.

Je referme le carnet avec délicatesse, satisfait de mon travail. Ma tâche étant accomplie, je m'étire, grimace en entendant mon dos craquer et m'allonge sur mon lit. Il fait encore nuit, il est très tard (ou très tôt). Toute à l'heure, la ville s'éveillera sans se douter une minute des épiphanies que j'ai eues ces derniers temps. Elle tentera de m'abattre à coup de routine. Consuetudinis vis magna est. La force de l'habitude est grande.

Mais je ne me laisserai plus faire. C'est terminé.

J'ai enterré le corps de l'ancien Hugo dans un parc, au bord d'un étang. Comme ça, je suis certain qu'il ne reviendra jamais me hanter. Je peux désormais avancer, déployer mes pétales.

Je dirai bientôt au revoir à mes amis car la fin de l'année approche. Eux qui ont trouvé leur voie continueront d'un pas assuré, la tête haute malgré les doutes qui voudront les ronger jusqu'à l'os. Ils ne se décourageront pas car plus ils avanceront, plus leur cœur battra plus ardemment.

Et moi, je continuerai à avancer, à me battre. Pas parce que c'est la seule chose que je maîtrise, mais parce que désormais, je sais ce que veut mon âme, ce qu'elle crie à la nuit tombée quand elle croit que personne ne l'entend. Sur mon bureau, la petite créature que j'ai ramenée de ma dernière escapade avec Marina continue de scintiller. Partout où je suis, elle me tient compagnie, tantôt perchée sur mon épaule, tantôt dans la poche de mon pull.

Je souris. Car dans l'obscurité, luit l'éclat d'une plume sur mon omoplate.

MARINAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant