Ce soir-là, après ma première rencontre avec l'automate, quand je suis rentré chez moi, j'ai vu la vie danser au coin de la rue. Elle m'a fait un pied de nez en riant, et puis m'a jaugé d'un regard intense, comme si elle se disait qu'en fait, j'en valais la peine. Alors, elle a bandé son arc, et toujours en me contemplant de ses grands yeux où le monde entier semblait se refléter, m'a percé le cœur d'une flèche amoureuse. Je me suis écroulé sous l'impact.
Mon coeur m'a paru très lourd, et le feu ! Oh, le feu se répandait dans tout mon corps. La passion rendait mes lèvres tremblantes et languissantes à la seule pensée de celle qui pouvait me soigner.
La vie m'a regardé, et puis un rictus a déformé ses traits si délicats. C'est alors que j'ai remarqué qu'il lui manquait des doigts, que son nez était cassé et que la moitié de son visage était lacéré par la mort. Je me suis enfui avant qu'elle ne me cause d'autres problèmes et ne m'envoie saluer Pluton, là-haut dans l'espace.
Le souffle palpitant, j'ai tourné la clé dans la serrure. L'odeur familière de mon appartement m'a immédiatement accueilli. Ici, j'ai l'impression que rien n'est perdu, que je peux encore aller mieux et nager au-dessus des abîmes de la tristesse. C'est étrange, le pays des larmes : personne ne veut y régner, personne ne veut y habiter.
Je me suis précipité sous la douche pour frotter très fort ma poitrine, mais là flèche était déjà trop enfoncée, son extrémité était à quelques centimètres sous mon derme. Alors j'ai pris mes ongles et j'ai creusé, creusé, lacéré, j'ai mis mon coeur à vif, mais quand j'ai dégagé suffisamment de chair pour arracher cette flèche à pleine main, elle s'est dissoute, et en fait, je me suis rendu compte que ce n'était pas la flèche en elle-même le problème, mais le vicieux poison dans lequel la vie l'a noyée avant de me la jeter. Derrière moi, je l'ai entendue ricaner, comme une ombre dans un coin d'une pièce trop sombre. Je déteste la vie. Elle me fait toujours tomber amoureux de gens que je ne peux pas avoir.
J'ai recollé les morceaux. Un peu grossièrement. Au début, j'ai pris un fil et une aiguille, et ensuite, comme je n'avais plus de fil, j'ai mis des pansements sur les plus grosses brèches et du coton dans les trous les plus béants. Je n'ai pas eu le courage de mettre du métal liquide. C'est ce que j'aurais du faire pour m'endurcir, mais c'était un pas de plus vers ma perte de cœur.
Peut-être que j'aurais dû l'arracher et l'enterrer dans un cimetière, encore palpitant. Ci-gît le coeur d'Hugo, étudiant. Merci de ne pas le prendre, il appartient déjà à quelqu'un qui n'a pas pu me l'échanger contre le sien. Mais je ne suis pas sûr qu'on m'aurait respecté. Au mieux, on aurait rit de mon malheur, au pire, on m'aurait labouré le coeur.
Je suis seul. Personne, même pas moi, ne s'inquiétait de savoir si je m'endormais en tremblant au milieu de mes peluches, si je m'endormais bercé par le crissement de mes dents claquantes. L'écho de ma solitude me transperce les veines.
Malgré l'épaisseur de la couette, mes doigts sont glacés, et je n'ai rien pour me réchauffer. Une bouillotte ne suffirait pas. Car ce froid-là, il vient d'ailleurs, il vient de la flèche plantée dans ma poitrine, telle Durendale dans le rocher, il vient de la vie elle-même, qui insuffle le feu dans les veines en même temps qu'elle me givre le cœur. J'avais oublié que c'était si douloureux et qu'il valait mieux aimer de loin.
🪶🪶🪶
Lorsque je reviens en cours le lendemain, je n'ai pas fermé l'œil de la nuit. J'ai compté les étoiles et essayé d'y disséminer mes propres créations, d'y voir mon monde, mais je n'ai pu qu'y trouver une chevelure rose et des plumes blanches perdues au beau milieu de concepts qui n'ont pas de noms, et de réflexions pas franchement utiles, des réflexions du genre les anneaux c'est comme les gens, ils sont simples quand leurs idéaux sont zéro et eux-mêmes. Je ne suis pas simple, Marina non plus.
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MARINA
ParanormalMarina, c'était cette fille perdue entre pleins de scientifiques, alors qu'elle n'aspirait qu'à l'Art. Marina, c'était cette fille étrange aux mangas toujours dans le sac. Marina, c'était cette fille de mon cours d'analyse. [[ court roman ]]