13 décembre - Jimin

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Séoul,

Parc SeonYudo,

Le 13 décembre 2020,


Jungkook,


Peut-être que ça t'étonne. Si c'est le cas, sache que moi aussi. En t'écrivant ma première lettre, je ne pensais pas que je trouverais le courage d'en commencer une autre. Mais voilà, je suis là, assis dans l'herbe, les mains gelées, essayant tant bien que mal de noter ces mots dans le froid de décembre. À vrai dire, ça faisait quelques minutes que je traînais sous ce chêne, à fixer le bleu du ciel. D'une certaine façon, ta lettre se déroulait dans ma tête. Comme si de tous les endroits, elle avait choisi l'air glacé mais clair, pour se révéler pour de bon. Cette fois, je me suis arrêté sur un passage précis, qui a comme résonné en moi. Il est revenu de la même manière qu'il s'était échappé, en sifflant très fort. Alors j'ai repensé encore, à cette ligne toute simple où tu dis que toi, et moi, on était peut-être cassés depuis longtemps. Et ça m'a semblé bizarre. Presque comique.


« Cassés. » Tu ne trouves pas ça étonnant ? Peut-être même effrayant... ?


« Cassés », ça a quelque chose d'irréversible. De trop pénible. Quelque chose de figé dans le temps, du genre qui ne se répare pas. Comme si on allait rester là pour toujours, les mains ouvertes, et le vase plein de fleurs éclaté en mille morceaux sur le parterre. On est là, le souffle court. On n'y croit pas. Les mille morceaux du vase sur le parterre, c'est nous, et ça ne se rattrape pas. « Cassés », c'est terrible de dire ça. C'est cette image qui s'affiche en grand dans ma tête. « Cassés depuis longtemps. » Depuis le temps que quoi ? Depuis le temps qu'on reste paralysés là, debout devant notre vase brisé, notre bouquet éparpillé ? Ou depuis le temps qu'on recommence encore et encore les mêmes erreurs absurdes, qu'on trébuche sur le même pli du tapis, et qu'on fait tomber chacun de nos vases ? Ce qu'on est bêtes.


Je sais que tu vas m'accuser de faire des détours compliqués pour dire des choses simples, mais Jungkook, tu ne trouves pas qu'on regarde au mauvais endroit ? Nous, ce n'est peut-être pas le vase, finalement. L'amitié c'est fragile, mais pas fragile comme ça. Parce que si on changeait d'angle de vue, les choses seraient différentes. Si on ne fixait pas naïvement les morceaux de verre, peut-être qu'on se pencherait un instant, et qu'on ramasserait les fleurs.


J'ai vu Seokjin-hyung. Il y a un peu plus d'une semaine. Il est venu chez moi et on a discuté pendant une heure et deux. Il m'a dit qu'il arrosait mes plantes au QG, qu'il n'était pas le seul, que les autres aussi mettaient la main à la pâte, et qu'elles poussaient drôlement bien pour la saison. Ça m'a fait sourire. Et puis, il a fait un autre de ses fameux avions en papier avec un croquis super important dont j'avais besoin pour le boulot et que j'ai dû recommencer. (Je vais lui botter les fesses un de ces jours.) Enfin bref, je me suis rendu compte qu'avec moi, même Seokjin-hyung prenait des pincettes. Et Dieu sait que ça ne lui ressemble pas beaucoup. C'est sûr qu'il la trouve triste, cette situation. Qu'il a beau secrètement penser qu'elles sont cool mes plantes, il regrette que je n'aille pas les arroser moi-même. Il dit que tu ne viens pas non plus. Ou que si tu es venu, tu n'as toujours pas trouvé nos lettres. D'ailleurs, je crois que c'est ce qui m'a décidé. J'ai revu tes mots. Je t'ai imaginé déposant l'enveloppe dans la boîte, dessinant ton avion à la craie, et espérant sans bruit. Espérant quoi ? Une sorte de deuxième chance, je crois.


Moi c'est ce que j'ai toujours voulu, une deuxième chance.


FriendZone7 [Advent Calendar 2020]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant