FriendZone7 [Advent Calendar 2020]

19 décembre - Yoongi

Séoul, dans l'unique lieu invariable
19 décembre 2020
Heure du coucher du soleil

Sous ce soleil qui brille à peine, il est temps d'ôter le masque.

Salut Jungkook,

Les autres lettres étaient moins sérieuses, je me plaignais d'écrire la première, puis la deuxième, et voilà que j'écris ma quatrième lettre. Pour un gars qui n'aime pas écrire, faut bien avouer que la technique de Jin marche plutôt bien.

J'arrête les conneries... Même dans mes précédentes lettres j'ai l'impression d'être à des kilomètres du sujet.

Je te parlais du Henz Club, je te parlais d'un arbre de 400 ans, de néon et de château de cartes, de voyage et d'un tas de bricoles, tu vois, encore une fois, j'esquive. Mais aujourd'hui je vais plutôt parler de cet endroit, ce QG, cette base inébranlable qu'est Friendzone 51.

Je n'étais pas revenu depuis longtemps. Vraiment très longtemps.
Lorsque nos petites soirées et autres rencontres au QG ont commencé à s'espacer dans le temps, je n'avais plus trop l'occasion ni la motivation d'y revenir seul. Je sais que certains d'entre vous y passent encore régulièrement, je me demandais parfois dans quel état nous avions laissé l'endroit.

Je suis resté quelques heures dans l'atelier aujourd'hui, alors que je restais à peine deux minutes les quelques fois précédentes, trop inquiet d'être confronté à la fraîcheur du lieu et surtout à votre absence.
Je me suis assis par terre, dos au canapé que vous avez installé il y a de là si longtemps. J'ai regardé les mêmes vestiges de métier à tisser, de bombes de peinture, de babioles restées là depuis des années, comme figées dans le temps.
Et tu sais, ô combien je déteste ce qui est figé dans le temps.

Et pourtant...

J'ai rajouté un briquet sur l'étagère où j'en ai déjà installé des dizaines. Celui-ci vient d'Italie, il est kitsch à mourir, mais ce n'est rien comparé à celui qui vient d'Autriche avec les petits anges dorés et les fleurs multicolores. Mon dieu quelle horreur, je comprends que Tae s'en soit moqué ! Il a laissé un sapin d'ailleurs ! Je suis venu les mains vides, donc j'ai fabriqué un petit ange en papier que j'ai accroché sur la troisième branche.

Je suis surpris de voir les plantes de Jimin encore en bonne santé, sacrée vitalité pour des morceaux de nature en pot. Je vais étriper Jin pour avoir rajouté une photo de son énième Starbucks au milieu de mes photos d'Europe. C'est juste la cinquième cup de Starbucks qui vient recouvrir mes polaroids... Tu savais que sur chacune d'entre elles, il a réussi à donner un nom différent et loufoque à chaque fois ?

La peinture du plafond s'effrite encore, il y a des résidus blancs un peu partout, j'ai nettoyé le métier à tisser comme je pouvais et j'ai dû déloger une ou deux de tes amies d'ailleurs. Oui oui, celles à huit pattes que toi seul considère comme des amies. Il y avait aussi des pages volantes détachées du carnet de Tae. Son coup de crayon est vraiment exceptionnel. Entre ses croquis de voyage et ses portraits, c'est un véritable univers qui recouvre le sol poussiéreux.

Il nous a tous dessinés je crois mais seuls les traits de mon visage sont blancs sur noir...
Il a pourtant l'habitude de créer des œuvres toujours très colorées, non ? Je tiens le portrait qu'il a fait de moi entre les doigts, la feuille me parait glaciale.

J'élude encore pas vrai... ?
Jin me donnerait un coup de coude s'il lisait ça.

J'ai lu ta lettre Jungkook... trois fois, peut-être plus. Évidemment que j'ai lu tes mots, sinon je ne serais pas là à me battre avec mon pauvre feutre pour la quatrième fois et à effacer puis réécrire la même phrase en boucle ! Ce n'est pas tant avec mon stylo que je me bats, c'est plutôt avec moi-même et mes sentiments. C'est dur de réaliser certaines choses lorsqu'elles sont dessinées noir sur blanc ou pire, écrites noir sur blanc. Et c'est dur de comprendre à quel point ces absences vous blessent et te blessent.