18 décembre - Taehyung

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Séoul, chez mes parents
Le 18 décembre 2020
21h05

    Kookito,

    En ce moment, j'ai froid.

    Je suis engourdi sur le bout de mes orteils, et je suis sûr qu'ils seraient tout bleus si j'enlevais mes chaussures pour vérifier. Bon, entre nous je ne vais pas le faire, il fait déjà bien assez froid comme ça et mes doigts de pied sont d'affreuses créatures certes, mais pas assez pour mériter une fin aussi tragique.

    Nous avions déjà convenu il y a longtemps que le bleu marine était la couleur de la sérénité, donc je me demande si la neige qui a commencé à tomber et me refroidit ne cherche juste pas à engourdir mes inquiétudes pour me rendre plus serein.

    Ou alors ce n'est que moi qui me cherche des excuses.

    Encore une fois, entre nous, tout est possible avec moi.

    Je ne t'ai pas encore dit où je suis alors que je t'écris cette lettre. Sans grande surprise je suis dehors, et il neige, mais la chose spéciale est que je suis allé voir mes parents. Je t'écris donc de la terrasse, pendant que j'attends le retour de ma mère. Elle était encore au travail quand je suis arrivé, et ce n'était pas vraiiiiiment une surprise. Dans ces moments-là, mon cœur oscille toujours entre l'immense fierté de la voir accomplir ses rêves, et le désir égoïste de ne pas avoir pu la voir plus souvent.

    Est-ce que j'envie mes parents ? À quel point est-ce que je veux leur ressembler ?

    Hm... C'étaient des questions que je me posais beaucoup au lycée, j'étais tiraillé entre ce qui était la norme dans ma maison où il y avait plein de choses mais trop peu de présence parentale, et ce que les autres considéraient comme normal.

    Du coup j'ai absolument tout essayé.

    Je connaissais déjà la vie d'un lycéen aisé dont l'avenir professionnel était tout tracé, donc j'ai changé de vie. J'ai pris un job miteux avec des horaires impossibles et j'ai commencé à refuser l'argent de poche de mes parents. Je voulais savoir.

    Et looooooool, c'était pas vraiment la « vraie vie » non plus. En rentrant chez moi le soir, je redevenais le Taehyung de mes parents. C'était automatique, et ma démarche était sans doute hypocrite, avec le recul.

    J'ai continué ma quête de nouvelles expériences en testant tout ce qui était à portée de mes mains, en prenant des jobs de plus en plus loufoques, en essayant de nouvelles coiffures, en m'intéressant aux différentes cultures que je pouvais croiser en chemin. J'ai eu envie de voyage.

    Et les études ne me bottaient toujours pas, l'école n'avait jamais eu comme seul avantage que de me donner ma dose d'interactions sociales dans la journée. J'ai toujours été un touche-à-tout, donc s'arrêter sur un seul choix de carrière était mission impossible.

    Comme tu le sais déjà, j'ai essayé d'étudier la littérature, les arts appliqués, et j'ai même envisagé de suivre mes parents dans les sciences (oui je sais, c'était absolument voué à l'échec mais j'avais besoin de le comprendre avec ma propre expérience).

    J'ai passé les premières années de ma vie d'adulte à me casser les dents, puis je suis arrivé sur un plateau stable qui m'a rendu magnifiquement violet pendant un temps. C'était comme un instant de grâce qui s'étirait à l'infini. En exposant mes toiles, en voyageant autant que je le voulais, je ne me suis jamais senti aussi libre.

    Peut-être que c'est pour ça que je suis retourné chez mes parents ce soir, maintenant que j'y pense. Comme une façon de revenir à mes premières luttes identitaires, voir que j'ai déjà parcouru un long chemin en me remettant dans la peau du jeune Taehyung, le temps d'un soir.

FriendZone7 [Advent Calendar 2020]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant