23 décembre - Jimin

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La plage

Le 23 décembre 2020

Tu sais, Jungkook, je crois qu'il fallait vraiment que je revienne ici. Je te l'ai dit dans la lettre précédente, mais depuis quelque temps, j'essaye d'apprivoiser le silence. Sous toutes ses formes. Et ici, encore une fois, le silence prend une drôle d'apparence. En y réfléchissant, j'ignore si le silence absolu existe. Tu fais le vide, t'es seul, mais autour de toi ça s'agite quand même. Le bruit des vagues, des oiseaux, du vent. Ça fait un tas de sons différents, pas vrai ? Et pourtant, là, de suite, c'est ce qui s'apparente le plus au silence, pour moi. Parce que j'ai l'impression d'avoir toujours vécu avec tous ces bruits là en fond. Je m'en suis jamais réellement débarrassé, je crois.

Tu vas me trouver stupide, mais l'autre jour, en traînant chez moi, j'ai retrouvé la peluche de Taehyung, celle qu'il a laissée chez moi. Ça me rappelle toutes ces soirées qu'il a passées à la maison, à trimballer cet immonde ourson qui n'est plus blanc depuis ce qui semble être des siècles. Je sais pas s'il a laissé chez les autres chacun de ses doudous dont il ne pouvait se passer pour dormir, mais moi il n'a pas bougé. J'ai passé l'après-midi à parler à cette foutue peluche. Je crois que j'essayais de trouver le meilleur moyen de m'excuser. Les mots qui conviendraient le mieux, ceux qui paraîtraient les plus sincères. Je te vois venir, Jungkook et oui, je suis sincère, je t'assure. Parce que c'était trop brutal, trop soudain, trop violent, trop tout. Je ne voulais pas lui dire les choses ainsi. Mais tout ça tu le sais déjà. Je me répète, non ? Et pour me répéter un peu plus, Taehyung me manque. Son regard légèrement enfantin me manque. Ses toiles me manquent. Dormir avec lui me manque. Et lui donner tout ce que j'ai, tout ce que je possède, sans avoir peur d'en faire trop, sans avoir peur du rejet, me manque. Parce que c'est comme ça, avec Taehyung, il accepte tout de moi, sans jamais paraître opprimé par mes sentiments.

Alors, c'est vrai, ce jour-là, je lui en ai voulu de prendre ton parti. Parce qu'après tout, jusque-là, Taehyung était le seul à tout supporter de moi. Mais ça n'a pas été le cas cette fois-là. Je ne saurais dire ce que j'ai ressenti, en réalité. Peut-être que je lui en voulais de ne pas comprendre toute la mesure de la situation. Peut-être que je lui en voulais de toujours rester ce grand enfant aux yeux écarquillés qui fait toujours tout ce qui lui chante sans avoir à s'inquiéter du lendemain. Tout ça, c'est sorti tout seul. Ce n'était pas correct. Mais j'aurais aimé qu'il lise plus profondément en moi, qu'il prenne le temps de réellement prendre en compte ce qu'il se jouait en cet instant. Mais qu'est-ce qu'il se jouait exactement, Jungkook ? Notre amitié toute entière ? Ou juste l'importance que je lui donnais ?

Je pense que c'est là que réside mon problème, tu sais. Je donne toujours trop, quitte à paraître envahissant, quitte à devenir encombrant. Et pourtant, Dieu sait que j'ai toujours l'impression de ne pas en faire assez. Je pense que ma plus grande peur, c'est d'être totalement inutile. Comme ce jour où je n'ai pas répondu à ton appel. Tu te souviens ? Tu t'étais perdu, encore une fois. Je ne loupe jamais un appel, Jungkook. Jamais. Ma tête est toujours remplie de « Et si... ? », c'est comme une litanie. Et s'il était arrivé quelque chose de grave ? Et si je n'arrivais pas à temps ? Et ce jour-là, quand j'ai loupé ton appel, j'ai cru en crever, littéralement. J'ai couru comme un fou. C'est stupide, parce que non, tu n'allais pas mourir, mais j'ai réellement cru te perdre. J'ai senti quelque chose remuer en moi, quelque chose de très ancien. Quand je suis arrivé sur place, tu tremblais, ton regard ne savait même plus où se poser. Te voir comme ça m'a rappelé à quel point je voulais te protéger, faire en sorte que plus rien de tel ne t'arrive jamais. Je m'en suis voulu pendant des semaines de ne pas avoir répondu à ton appel. Tu peux trouver ça bête, parce que moi aussi, parfois, je trouve ça complètement démesuré. Je crois que je ne l'ai jamais dit à personne, mais souvent, celui que j'encombre le plus, c'est moi-même, en fin de compte.

FriendZone7 [Advent Calendar 2020]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant