15 décembre - Hoseok

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15 décembre,

Séoul,

Il fait nuit, il fait froid, mais je verrai bientôt le soleil se lever.

« Tu es injuste, Hyung. »

Dis, Kook, ça fait combien de temps que tu penses ça de moi ? Parce que je sais que ce n'est justement pas seulement à propos de moi tout ça, ce brouillard, tout ce qu'il se passe autour de toi. Que cette phrase-là tu l'as crachée à un instant T quand tu es venu me trouver chez moi pour soupirer il y a trois jours de ça, pour lâcher un peu de cette tempête qui a en ce moment même lieu à l'intérieur de toi. Ces mots-là, ils sont sortis comme ça, sans plus penser, sans hésiter, ou je l'espère sans doute. Peut-être même que tu ne les as pensés qu'au moment où ils se sont échappés. Ça leur a suffi quand même pour s'élancer dans l'air et résonner dans un écho entre mes oreilles avant de s'y installer. Peut-être que tu le savais, qu'ils allaient s'y installer, peut-être que c'est pour ça que tu les as libérés de leur cage d'acier. Ou peut-être que non, peut-être qu'ils ont juste trouvé la clé et qu'ils en ont profité pour s'envoler. Peu importe au final, c'est fait, et ce qui me vrille les entrailles au moment où je te parle c'est cette pensée qui n'a de cesse de me demander si ce qu'ils racontent n'est pas un peu vrai.

Ai-je été injuste ? Ai-je été injuste quand je t'ai parlé de mes ressentis par rapport à nous, Kook ? Est-ce que j'aurais dû m'en empêcher ? C'est amusant d'une certaine façon, pourtant, parce que ça m'empêche de dormir. Et c'est sans doute pour ça que je me retrouve stupidement sur ce canapé aux ressorts rouillés, pour te parler à travers un simple bout de papier qu'une partie de moi espère que tu ne liras jamais. J'espère que c'est le dernier, j'en ai marre justement, d'écraser du papier. De rouler en boule chaque feuille qui n'écrit pas les mots que je voudrais te partager. C'est au moins la quatrième lettre que je me vois t'adresser ce soir, j'espère que c'est la dernière, que celle-là va m'écouter. Si ce n'est pas le cas, c'est ma main douloureuse qui va m'abandonner.

Mais si ça se trouve, je n'y arriverai pas, c'est une possibilité. Il y a une possibilité que cette lettre ne s'écrive pas, que je ne la poste pas, que ça ne fonctionne pas et que je finisse par faire comme si de rien alors que je déteste ça. J'en serais capable, tu crois ? J'en suis pas certain, et sûrement que toi non plus au fond. Peut-être que toi aussi tu me connais un peu trop bien.

Elle est perturbante, cette envie urgente que j'ai, celle qui se fait presque blessante, celle qui me pousse à poser des mots sur ce que je suis bien incapable de formuler. Mon poignet me fait mal, mais je n'arrive pas à m'arrêter, j'ai envie de parler. C'est qu'une envie, c'est un besoin, et pourtant je n'arrive pas à mettre le doigt sur ce qui a tant besoin d'être raconté. J'en ai dit beaucoup dans ces feuilles autrefois blanches qu'il faudra que je pense à ramasser avant de me tirer. Peut-être que je finirai par les brûler, ou peut-être que je les conserverai jusqu'à ce que je sois capable de les regarder. J'en ai dit beaucoup, et pourtant si peu, mais c'était un tel foutoir, un tel cafouillis de mots inassumés, que moi-même je n'aurais pas eu le courage de m'y intéresser si je les avais trouvées.

J'ai pas envie de te l'imposer, ce foutoir, j'avais un peu trop l'air paumé. Et c'est le cas sans doute, que je suis paumé, mais je n'ai pas envie de te l'imposer. Comme si ce n'était pas à moi d'être paumé, que j'étais un imposteur en me trouvant paumé.

Paumé. Je devrais me le faire tatouer. Et d'un autre côté, ce terme m'agace tellement que j'aurais envie de me l'arracher.

Dis, Kook, tu penses pas qu'il serait temps que tu t'arrêtes deux secondes pour souffler et réfléchir à Seokjin ?

Parce qu'un des trucs qui m'a toujours fasciné chez toi c'est cette capacité que tu as à inconsciemment faire abstraction de certaines choses. Notamment tes sentiments parfois, surtout ceux que tu n'aimes pas. Avec Minha je suppose que ça a été simple, les choses se sont faites naturellement, délicatement, et tous les doutes que tu as pu avoir sur le moment, elle les a balayés en te souriant doucement. Je ne l'ai pas vue cette scène-là, mais tu l'as tellement racontée que j'ai parfois l'impression d'avoir été là. Et puis, dans son cas, sans doute que la différence que ça a faite avec le reste c'est que tu n'as pas eu le temps de réfléchir à ce que tu devais dire, à comment tu devais agir. Ça s'est fait, ça s'est juste fait et les sentiments se sont imposés avant même que tu n'aies eu le temps de les remarquer. Et c'est peut-être pour ça qu'avec Seokjin c'est facile pour ton esprit de faire comme si de rien, de constamment repousser le sujet au lendemain. Peut-être qu'il faudrait arrêter de faire ça justement, que tu t'autorises à ressentir, à entendre ce que tu ne veux pas écouter, rien que le temps d'une demi-journée. Que tu te poses et que tu te demandes, à toi seul, ce que tu veux faire de tous ces ressentis que tu ne peux plus ignorer. Peut-être qu'il est temps que tu arrêtes de te cacher derrière cette amitié, Kook.

FriendZone7 [Advent Calendar 2020]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant