22 décembre - Hoseok

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 22 décembre,

Séoul,

Un peu partout,


Salut Kook,


J'espère que tu vas bien.

Que le toi du futur, celui qui est en train de lire cette lettre, supporte nos élucubrations. Qu'il n'est ni trop chamboulé, ni trop agacé, ni trop perdu.

Qu'il ne s'inquiète pas, qu'il sait que tout se tasse, que tout s'organise.


Nous sommes le 22 décembre et je sais que ce sera ma dernière lettre. Je ne dis pas qu'elle sera plus facile que les autres, mais j'ai cette certitude du point final et elle me tient. On arrive au bout d'un chemin, à la fin d'une drôle d'étape. Je me demande ce qui nous attend là-bas. C'est comme d'arriver sur la croix rouge, dans le coin de la carte au trésor. À ton avis, qu'est-ce qu'on va y trouver ? Une autre carte ? Une autre route ? C'est un voyage qui me semble parfois sans fin. J'attends bêtement ce point de passage où l'inconnu cessera d'être terrifiant, en vain.


Tu te souviens des papillons ? Bien sûr que tu t'en souviens... C'est que depuis quelques jours, les papillons sont partout. Je ne sais pas trop ce qu'il me prend Kook, mais je les vois partout. Sur les livres de la librairie, sur mes dossiers au boulot, sur les affiches de films au cinéma, dans mon ventre, sous ma peau, à l'intérieur de ta tête. Moi qui ai l'habitude de toujours tenir mes papiers au propre, ils sont désormais couverts de ces petites ailes rondes, ovales ou bouclées. Comme un ado coincé dans une salle de classe, je me suis remis à gribouiller. Mes dessins ont toutes les couleurs et toutes les formes. Je crée une espèce de papillon imaginaire, une petite famille de lépidoptères. C'est elle qui sort de ma tête quand je pense.


Tu vois le papillon ? Tu le connais sûrement mieux que moi. J'ai lu quelque part qu'une fois qu'il s'est dégagé de sa chrysalide, on l'appelle imago. Ça veut dire qu'une fois passé cette étape, il a fini de se métamorphoser. Son développement est terminé. Je me demande s'il y a un équivalent pour les êtres humains, notre imago à nous, notre stade final. Imagine comme tout deviendrait facile... Malgré tout, c'est joli comme mot, « imago ». Ça me donne envie de le partager aux autres. J'aimerais faire comme Jimin avec ses fleurs et attribuer un papillon à chacun d'entre nous. Une couleur, une taille, une allure. Ça pourrait être amusant, non ? Un pour Yoongi-hyung, un pour Taehyung, un pour Namjoon, un pour Seokjin-hyung, un pour toi...


Le papillon de Jimin, je suis allé lui donner en main propre. Hier, précisément.


Il me manquait, Jimin. Depuis plusieurs jours, j'étais encore tout gris des gribouillis de mes lettres raturées, de ma colère sourde, de cette injustice dont tu m'as accusé. Je tournais en rond, je baladais ma sale tête à travers l'appartement. Si tu m'avais vu, je faisais des trucs que je ne supporte pas, zapper sur toutes les chaînes de la télé, tourner en rond sur les réseaux sociaux, ouvrir un bouquin, relire quinze fois le même passage, laisser tomber. J'avais l'impression de baigner dans le jus de mon ennui. C'était long mais peut-être pas complètement inutile. À force de tester bêtement les fonctionnalités de mon portable, je suis tombé sur la liste de tous les appels que j'ai passés à Jimin pendant les dernières semaines. Nombreux et resserrés après votre dispute, plus espacés ensuite, et à la fin, plus rien. Silence radio. Ça ne m'a pas mis en colère. Ça aurait peut-être dû. Je n'ai pas compris. Ça m'a comme filé un coup de jus à travers tout le corps, et je me suis subitement relevé de mon lit.

FriendZone7 [Advent Calendar 2020]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant