|| PROLOGUE ||

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    Une ombre. Voici la définition même de la personne telle que je me voyais. Depuis la seconde où j'ai commencé à respirer l'air de ce monde, j'étais, dés lors, destiné à suivre l'éclat de celui qui me précédait. Beau, intelligent, talentueux, aimer de tous, il avait tout pour lui. Il était parfait, ses petits défauts rejoignant les miens dans la pénombre. Je l'enviais. Par surcroît, je souhaitais prendre sa place pendant ne serait-ce qu'une journée. Je voulais m'embellir, réussir, impressionner et par dessus tout, que l'on me remarque enfin dans cette obscurité persistante autour de moi.

    Plus le temps passait, plus la jalousie m'envahissait, mon amertume grandissait et ma rancœur s'affirmait. Je me dégoûtais. Me regarder dans un miroir m'était insupportable et difficile. Je m'en voulais chaque jour d'être occupé de ces émotions toxiques, ça me fatiguait. Je le détestais, mais je l'aimais tout autant. Mais tandis que je pensais le contraire, je n'avais pas encore atteint le point culminant de cette misère dans laquelle je nageais depuis déjà tant d'années à ses côtés.

    Aujourd'hui, mon frère jumeau, mon aîné, celui que je chérissais et celui que je haïssais, à été impliqué dans un accident de la route. Park Jihyun, mourant sur le coup, engageant avec lui, l'homme que je convoitais autrefois et qui m'avait été arraché à la médiocre personne que j'étais. Conviés à l'hôpital le plus proche, ma mère et moi attendions dans un lourd silence les retours des médecins ayant pris en charge mon beau-frère maintenant veuf. Et pour la première fois de ma vie, j'ai indignement été soulagé d'avoir la place que j'avais.

    Lorsque nous avions été alertés de ce tragique accident, ma mère ne m'avait adressé aucun regard, se précipitant à une vitesse qu'elle n'aurait jamais appliquée si c'était moi. Inconsolable, noyée dans ses larmes perlant son fin visage d'avoir perdu l'un de ses fils, ou dirais-je plutôt, son fils. Un mutisme était né quelques heures plus tard dans la lourde attente de nouvelles de l'état de Min Yoongi. Ma présence ou mon absence, l'un ou l'autre, cela n'avait pas d'importance. Je n'étais que spectateur, comme je l'avais toujours été. Mes larmes silencieuses et mes sentiments dévastés n'étaient pas écoutés. Ainsi je ressenti plus que jamais la solitude que j'avais tant ignorée jusqu'à aujourd'hui.

    Je mis l'ignorance de ma mère de côté, plaignant simplement le manque d'attention de sa part en ce jour funeste. J'essayais tant bien que mal de tenir debout, usant du peu de raison que je détenais encore pour ne pas succombé à mon cœur brisé et souillé par la culpabilité. Face aux doubles portes menant, comme indiquer, aux soins intensifs. Je priais pour que l'homme allongé sur la table d'opération dans l'une de ces salles de l'autre côté, nous revienne comme il était parti.

    L'atmosphère pesante, qui découlait du silence qui régnait dans ce couloir, fut brutalement interrompue par l'arrivée du père de Yoongi, soit Min Dongshin. Affolé, son souffle lui manqua. Muni de son visage épouvanté, il se précipita, comme un fou, à la recherche de son fils, ne cessant de l'appeler jusqu'à ce qu'il ne reconnaisse ma mère. Ainsi, elle releva vivement son visage, logé depuis maintenant des heures entre ses bras, assistant à ce vacarme. Leurs pupilles se croisèrent et d'un seul regard, elle lui communiqua où son fils se tenait actuellement. Le père en détresse s'approcha, ma génitrice se leva et ils s'enlacèrent, en pleure, se réconfortant l'un l'autre comme ils le purent.

    Cette scène que j'observai comme un étranger ne faisait qu'affirmer que ma place ici n'avait sans aucun doute pas lieu d'être. Je ne pensais pas que cela était encore possible, j'aurais dû accepter cela il y a déjà bien longtemps. À contrecœur, je ressenti une profonde tristesse ainsi qu'une intense colère germer en moi. J'aurais aimé, moi aussi, avoir quelqu'un sur qui m'appuyer alors que l'homme dont j'étais amoureux depuis maintenant quatre ans était dans un état critique.

L'Autre MoiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant