IX

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Lundi 14 décembre.

Après ma journée de boulot, je file directement au centre jeunesse. Je sais que Théo ne pourra pas être présent ce soir, mais je tiens tout de même à m'entretenir avec Eliott, maintenant qu'il me fait confiance. Je vais devoir demander l'autorisation d'Irène pour agir seule, mais elle connait les besoins d'Eliott en ce moment et il me surprendrait beaucoup qu'elle refuse cet apport de soutien, même en solo.

Je lui envoie un court message à mon arrivée. Quelques secondes plus tard, elle m'indique qu'elle se trouve à l'étage avec un résident, mais que j'ai son feu vert. Je la remercie, puis monte à la chambre d'Eliott. La porte est entrouverte, ce qui m'étonne. Je toque contre le mur et une douce voix me donne la permission d'entrer. Eliott est étendu sur son lit, un livre à la couverture bleue entre les mains : Et ils meurent tous les deux à la fin.

— Salut, dis-je dans un murmure.

— Salut, répète-t-il avec un sourire.

— Je peux m'assoir ? demandé-je en pointant la chaise rangée dans le coin de la chambre.

Il acquiesce avant de reprendre sa lecture. Je tire la chaise plus près du lit, celui-ci éclairé seulement par la lampe de chevet formant un halo de lumière sur Eliott. Il semble paisible, habillé d'un sweat gris et d'un jeans. Ses cheveux paraissent humides, il doit sortir de la douche.

— J'aime beaucoup ce livre, commencé-je.

Eliott lève les yeux vers moi et sourit.

— Tu l'as déjà lu ?

— Oui, bien sûr. Silvera est l'un de mes auteurs préférés. J'ai pratiquement tous ses romans à la maison. Je pourrai te prêter les autres, si tu veux.

Les yeux d'Eliott s'illuminent. Il hoche la tête rapidement.

— Oh oui, s'il te plait ! J'ai trouvé celui-là dans la bibliothèque en bas et jusqu'à maintenant, j'adore l'histoire.

— Oui, je sais, je l'ai acheté pour le refuge. Je me suis dit qu'il plairait aux jeunes. Il fait réfléchir.

— C'est vrai, confirme Eliott.

Un long silence prend place pendant que je regarde mon petit pensionnaire se plonger dans un nouveau chapitre. Il a l'air bien, heureux même. Je n'ai aucunement envie de briser cet état d'esprit. Mais je n'ai pas trop le choix. Je dois avancer. On doit avancer.

— Tes parents sont passés hier, l'informé-je.

Il stoppe sa lecture et dépose le livre à côté de lui, prenant soin d'insérer le signet entre deux pages.

— Je m'en suis douté, dit-il. Sinon je serais plus ici à l'heure qu'il est.

Perspicace ce Eliott.

— Effectivement. Donc comme tu le sais déjà, ils ont signé l'autorisation. Tu peux rester. On les a aussi référés à un de mes collègues, un travailleur social. Il répondra à leurs questions et les aidera à t'accepter en tant que garçon.

Eliott baisse la tête.

— Je te mentirai pas, ça peut prendre du temps. Mais j'ai vu toute sorte de parents au cours de mes interventions et je sens que les tiens sont déterminés à tout faire pour que vous redeveniez une famille. Tu savais qu'ils avaient passé une annonce dans le journal pour te retrouver ?

Eliott me regarde, surpris. Il secoue la tête.

— Ils tiennent énormément à toi. Il faut juste leur laisser un peu de temps, d'accord ? Ton père commence déjà à te genrer au masculin. Je crois qu'on peut considérer ça comme une petite réussite.

Pur AmantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant