III

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Dimanche 6 décembre (suite).

Un craquement du lit me ramène à la réalité. J'étais plongée loin, très loin dans mes pensées, si loin que je n'ai pas remarqué le changement de luminosité. J'étire le bras et pèse sur le bouton à ma droite. Le néon vacille avant d'envahir la pièce aux murs gris pâle. Dehors, le blanc terne a laissé place à la pénombre. J'en déduis que mes fesses reposent sur cette chaise depuis plus de deux heures. La douleur dans le bas de mon dos me le confirme. Changer de position ne donne rien. J'ai besoin de bouger. Je tape mes cuisses, prête à me lever. Le gamin sursaute au claquement.

— Pardon, dis-je par réflexe.

Il ne répond pas. Maintenant debout, mon pied droit me fait regretter mon inactivité. Une fourmilière se déploie dans toute ma jambe. Je ferme les yeux et serre les dents. Lentement, les aiguilles se retirent et j'arrive de nouveau à sentir mes orteils. Soulagement. Je peux enfin me dégourdir.

Je scrute une dernière fois la masse sombre couchée sur le lit, puis ouvre la porte. Un long grincement attire l'attention du jeune.

— Tu vas où ?

Sa voix douce, tremblante, stoppe mes mouvements. Un sourire se forme sur mon visage, mais je le ravale aussitôt. C'est une avancée, mais je n'ai pas encore gagné. Je tourne la tête et mon regard croise celui de l'ado, par-dessus son épaule. Il — ou elle — me fixe, attendant une réponse. Je prends un instant pour scruter sa figure. L'éclairage m'offre davantage de détails que tout à l'heure. Je dois en profiter.

— Chercher un café. Tu veux quelque chose ?

Refus muet.

— Je vais t'apporter un sandwich.

Un pincement de lèvres cache sa joie. N'insistant pas davantage, je romps le contact visuel et sors, satisfaite de ce progrès. Ces trois mots ne marquent pas seulement une trêve de silence, ils signifient aussi que l'ado s'est attaché à moi. L'imminence de mon départ l'a inquiété, un lien est établi.

D'un pas rapide, je me dirige à la cafétéria. J'aurais aimé croiser Irène sur mon chemin, mais il semble qu'elle soit occupée ailleurs. La réception est déserte, tout comme la salle à manger, où deux grandes tables recouvertes de leur nappe bleue emplissent l'espace. Le repas mijote encore. Dans la cuisine, deux femmes bénévoles s'affairent à préparer ce qui sera servi dans moins d'une heure. Une agréable odeur de bœuf aux légumes flotte jusqu'à mes narines. Je regrette presque de ne pas pouvoir profiter de ce festin.

De l'autre côté de la pièce se trouve un large frigo aux portes vitrées. Évitant le présentoir à desserts, je m'y rends et choisis deux repas froids. Je les pose sur le comptoir à côté de la machine à café. Les arômes chassent déjà mon mal de tête. J'attrape un verre de carton, le place sur le plateau et appuie sur la petite tasse clignotante. L'eau bouillante se déverse en un filet doré. Je sais bien que je ne pourrai pas le boire avant une bonne quinzaine de minutes, mais je ne peux m'empêcher d'y goûter.

— Putain, c'est chaud, lâché-je en essayant d'avaler la gorgée.

La chaleur a complètement absorbé les saveurs. Impossible de dire si j'ai mis assez de sucre et de lait. Tant pis. Je range ce dernier au réfrigérateur et y attrape au passage une bouteille de jus de fruits. Je ne suis certainement pas la seule à avoir soif.

Mes provisions dans les bras, j'effectue un petit détour par l'aire commune, espérant y voir Irène, mais j'y trouve plutôt trois résidents écrasés sur le sofa. Nicolas et Agnès disputent une trépidante course de Mario Kart pendant que William tente d'aider son ami à rependre son avance. Je n'ose pas les saluer de peur de m'attarder. Je repasserai plus tard.

Pur AmantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant