XI

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Jeudi 17 décembre.

Le père d'Eliott a téléphoné. Il vient porter les effets personnels de son fils ce soir. Irène tient à ce que j'assiste à la rencontre puisqu'Eliott a accepté de le voir. Leur discussion devra se faire sous ma surveillance. Et celle de Théo, s'il arrive à se libérer.

En attendant, j'ai proposé à Eliott de se joindre aux autres résidents dans la salle commune pour quelques parties de Mario Kart — ils ne jouent qu'à ça ces temps-ci. Il m'a dit ne pas connaître les jeux vidéo, mais j'ai réussi à le convaincre en lui assurant qu'il ne jouerait que contre moi, si ça pouvait l'inciter à venir. J'ai rapidement dû céder ma place, Eliott étant meilleur qu'il ne l'avait affirmé. William se trouve ravi de pouvoir enfin affronter un adversaire à sa taille. Tout le monde semble apprécier le nouveau venu, leurs encouragements en témoignent.

Depuis la visite de Laura hier, Eliott n'arrête pas de sourire. Théo et moi avions raison : elle n'avait pas eu le choix de prendre ses distances par rapport à son ami. On l'avait menacée au lycée et elle avait eu peur qu'on s'en prenne à lui. Elle s'en était éloignée pour le protéger.

Elle et Eliott ont passé la soirée à discuter. J'ai obtenu l'autorisation d'Irène de les laisser entre eux, puisque Laura ne représentait aucun danger pour l'état psychologique ou physique d'Eliott, au contraire. Eliott m'a ensuite confié l'essentiel de leur conversation, plus par envie que par obligation. Il débordait de joie.

Il a raté plusieurs contrôles de fin d'année, mais la plupart des partiels n'ont lieu qu'après les vacances de Noël, donc il saura se rattraper. Les gens à l'école commencent même à s'inquiéter de sa disparition. Beaucoup seront ravis d'apprendre qu'il va bien, lui a assuré Laura. La présence de la jeune fille lui a grandement remonté le moral. J'espère qu'il en sera de même pour la rencontre avec le père.

Quelques courses de Mario Kart plus tard et Eliott est adopté par le groupe. William me confie d'ailleurs qu'il le trouve « trop cool » et qu'il sent qu'ils deviendront très proches. Je n'ose pas lui confier qu'Eliott risque de ne pas rester très longtemps, puisque sa situation semble déjà s'améliorer, mais je sais que William comprendra le temps venu et qu'il se réjouira de voir son ami rentrer chez lui, dans un foyer accueillant.

Je reçois bientôt un message d'Irène, m'annonçant que le papa d'Eliott est arrivé. Je fais un petit signe de tête à ce dernier et il se lève, saluant ses nouveaux camarades.

— Les gens ici sont tellement gentils, me dit-il à la sortie de la salle.

Je lui souris, contente qu'il ait passé un agréable moment avec eux, sans gêne, sans question. Juste une bande de jeunes, appréciant l'instant présent en bonne compagnie.

Nous montons à la chambre d'Eliott, où nous rejoindra le père. On a choisi cet endroit, puisqu'Eliott s'y sent à l'aise. Ça favorisera le dialogue et l'ouverture.

Il s'installe sur son lit alors que je sors les chaises du placard et les pose comme à l'habitude, le long du mur opposé. Je prends place sur l'une d'elles et nous patientons quelques minutes, le temps qu'Irène arrive avec notre visiteur.

— Tout ira bien, d'accord ? intimé-je à Eliott. Je suis là.

Il hoche la tête, tentant de ravaler sa nervosité. À ce moment, on toque à la porte et le visage d'Irène apparait dans l'entrebâillement.

— M. Linz est là, dit-elle en le laissant entrer.

Je me lève aussitôt et le salut d'une poignée de main. Eliott ne bouge pas. Son père dépose plusieurs sacs par terre et se défait de son manteau, qu'il accroche au dossier de la chaise.

— Je t'ai apporté tout ce qu'il y avait sur la liste, dit-il en dépliant celle-ci. Tu peux vérifier, tout y est. Tu n'avais pas indiqué d'apporter des vêtements, mais j'ai quand même pris quelques pulls que tu mets souvent.

Il sort les pulls en question d'un sac et les pose en pile sur le lit. Eliott sourit et remercie son père pour cette attention. Puis, l'homme se penche vers un autre sac et en sort un paquet emballé dans du papier cadeau, un chou sur le dessus.

— Je sais que c'est pas encore Noël, mais je tenais à te l'offrir tout de suite.

Il tend le cadeau à Eliott qui le prend, perplexe.

— J'aurais aimé te le donner avec ta mère, mais elle n'est pas prête pour ce genre de choses. Mais ça viendra, je te le promets. C'est d'ailleurs elle qui a eu l'idée. Je me suis occupé de l'achat, c'est tout. Ah et de l'emballage. Donc désolé, il est pas aussi beau que les paquets de ta mère, j'ai fait ce que j'ai pu.

Eliott lève les yeux vers son père et le remercie encore une fois.

— Bon allez, ouvre-le maintenant, dit celui-ci en prenant place à côté de moi.

Eliott déchire le papier recouvrant la petite boîte. Il retire le scotch scellant l'ouverture et ouvre les battants la refermant. D'un geste rapide, il couvre sa bouche de sa main.

— J'ai discuté au téléphone avec la personne responsable des ventes et c'est elle qui m'a conseillé pour la taille et tout ça, explique M. Linz.

Eliott saute de son lit et enlace son père, les larmes aux yeux.

— Merci, papa, merci ! Merci, merci, merci !

— Je suis content que ça te fasse plaisir, mon grand.

Un peu perdue, j'observe la scène, n'osant pas m'imposer dans ce moment père-fils plus que bienvenu. Ils s'étreignent un long moment, puis Eliott reprend place sur le lit. Il sort de la boîte ce qui semble être un vêtement dans un plastique transparent. Il ouvre le sac et en déplie le binder que vient de lui offrir son père. J'écarquille les yeux alors qu'Eliott tient à bout de bras la camisole de compression beige. M. Linz se tourne vers moi, en signe d'approbation j'imagine, et je le gratifie de mon plus grand sourire.

— Merci beaucoup, dis-je dans un murmure.

Je ne sais pas si le père d'Eliott réalise l'ampleur de son geste, mais visiblement, la réaction de son fils le touche. Ce binder ne constitue pas un simple cadeau de Noël à l'avance. Pour Eliott, c'est une preuve de soutien, et d'acceptation de la part de ses parents. Je crois que la fugue de leur fils leur a remis les choses en perspective. Ils ont dû faire un choix et heureusement, ils ont pris la bonne décision.

— Ta mère... Ta mère voulait te montrer qu'elle t'aime, peu importe quoi. Elle savait pas comment, alors j'ai fait quelques recherches sur Internet et quand j'ai trouvé ça, elle a tout de suite accepté. Elle espère... Enfin, on espère que ça t'aidera à te sentir mieux.

Eliott essuie ses yeux avec sa manche et serre le binder contre son torse.

— Je vais le mettre dès demain. Tu diras merci à maman de ma part.

— Je lui dirai. Elle sera contente.

Après une dernière accolade, M. Linz quitte la chambre. Je le guide jusqu'à la réception et en profite pour le remercier encore une fois pour ce magnifique cadeau. Je vois tous les efforts qu'il fait pour que son fils se sente bien et je lui en suis infiniment reconnaissante. Tous les parents n'ont pas la même volonté.

M. Litz repart le sourire aux lèvres alors que Théo entre en trombe dans le bâtiment.

— J'arrive trop tard ? me demande-t-il à bout de souffle.

Je lui indique du doigt l'homme venant de sortir.

— C'était le père d'Eliott.

Théo soupire, je lui souris.

— T'inquiète pas, ça s'est très bien passé.

— J'aurais voulu être là...

— Il est encore tôt, on va prendre un café ? proposé-je. Je te raconterai.

Théo accepte avec joie et nous convenons de nous retrouver dans un petit restaurant près de chez moi, dès que j'aurai dit au revoir à Eliott et aux autres.

Pur AmantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant