XIV

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Lundi 21 décembre.

La journée s'annonce riche en émotions. D'abord, je devrai assister à la rencontre entre Eliott et ses parents organisée par le travailleur social. Celui-ci désire observer leurs interactions tout en agissant en tant que médiateur. Les parents d'Eliott ont manifesté une grande volonté d'adaptation et ils aimeraient plus que tout pouvoir ramener leur fils à la maison pour les fêtes de fin d'année, en particulier pour Noël. La décision revient à Eliott et c'est pourquoi cette réunion compte autant. Si Eliott se sent suffisamment à l'aise, il pourra choisir de retourner chez lui, définitivement ou pour quelques jours seulement. Dans tous les cas, il pourra reprendre sa place dans la chambre bleue au besoin.

Cette rencontre se fera en présence de Théo, étant donné qu'il agit aussi à titre d'intervenant auprès d'Eliott. Nous ne nous sommes pas reparlés depuis samedi soir et même si je ne regrette aucunement ce rapprochement, j'appréhende nos retrouvailles. Ma dernière relation mêlant travail et intimité ne s'est pas extrêmement bien terminée et j'aimerais éviter de me retrouver une nouvelle fois dans cette situation. Bien entendu, Théo ne ressemble pas à Alex. Irène me l'a confirmé. Mais je ne peux m'empêcher de ressentir une certaine crainte. Et si cette fois, c'était moi qui gâchais tout ?

Pour la première fois depuis longtemps, je m'intéresse à quelqu'un de bien. Mon sentiment de devoir sauver les autres m'a entrainée dans des histoires impossibles où l'issue ne semblait que trop prévisible. Théo n'a pas besoin d'être sauvé de quoi que ce soit. Il a sa vie en main : un bon travail qui le passionne, une famille aimante qui le soutient dans ses choix, un appartement spacieux où il vit avec son golden retriever — j'ai fondu quand il m'a parlé de son chien — et tout ce qui lui manque, selon lui, c'est quelqu'un avec qui partager tout ça. J'aurais dû faire un lien entre cette phrase et son regard, mais ma concentration s'orientait plutôt vers le bébé couché sur le sol de mon salon pendant cette conversation. Le baiser venait préciser les choses, j'imagine.

Ma chanson préférée terminée, je sors de ma voiture et pousse les portes du hall. Irène, à la réception, m'accueille avec un grand sourire. Soit elle a passé la meilleure nuit de sommeil de sa vie, soit elle sait quelque chose. La seconde option me parait plus réaliste, mais hors de question que je lui demande.

Je la salue, puis monte directement à la chambre d'Eliott. À l'étage, je trouve sa porte entrouverte et une voix que je ne connais que trop bien me parvient de l'intérieur. Ne voulant pas les déranger, je m'assois contre le mur à l'extérieur de la chambre et écoute d'une oreille la conversation entre Eliott et William. Celui-ci tente de donner quelques conseils à Eliott pour son retour chez lui. C'est sa façon de lui dire au revoir. Eliott lui promet de revenir le voir souvent s'il rentre effectivement aujourd'hui.

Un quart d'heure plus tard, Théo apparaît au haut de l'escalier. Je me relève aussitôt et m'approche de lui, sentant déjà une chaleur colorer mes joues.

— Salut, dit-il en réprimant un sourire gêné.

— Salut.

Je détourne le regard et celui-ci se pose sur la porte bleue.

— Eliott est... Euh... Il discute avec William.

Je n'arrive même plus à articuler une phrase correctement. Bravo Lana. T'es gravement atteinte. Théo répond d'un simple « oh », ne sachant visiblement plus comment se comporter avec moi non plus. Après un moment de silence assez embarrassant, il se lance.

— Écoute Lana, je suis désolé si je t'ai brusquée, je voulais surtout pas te...

— Non, le coupé-je. Non, non, non, t'inquiète pas.

Pur AmantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant