II

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Dimanche 6 décembre (suite).

Avant de sortir de ma chambre, j'envoie une courte réponse à mon amie : j'arrive. Le message expédié, je me dirige vers la cuisine, où se trouvent mes bottes et mon manteau. J'enfonce mon bonnet sur ma tête avec une pensée pour la grand-mère de Noah, qui me l'a tricoté et offert à Noël, un an avant son décès. C'est cette année-là que j'ai rencontré Alex.

Je tâche de refouler ce souvenir pour n'en garder que les plus belles bribes, comme l'odeur de dinde flottant dans la pièce, la chaleur propre aux vieilles maisons et l'accueil de bon cœur dont Chris n'avait cessé de me parler. Et j'avais compris pourquoi. La famille de Noah était à son image : on se sentait chez soi en leur compagnie. Mon cousin avait réellement gagné au loto de la vie avec ce cher Noah.

Habillée et chaussée, j'attrape les clés trainant sur le bord de la table et glisse mon sac à dos sur mes épaules. Je m'assure mentalement que je n'ai rien oublié — par exemple, si j'ai bien éteint le four alors que je ne m'en suis pas servi aujourd'hui — et sors de chez moi. Les escaliers de métal résonnent sous mes pieds à chaque pas. Je m'excuse tout bas à mes voisins qui ne sont d'ailleurs probablement pas à la maison à cette heure-ci.

À l'extérieur, l'hiver happe mes sens. Une neige verglaçante gifle mon visage et confirme ma décision de me rendre à l'association à pied. De toute façon, avec ce froid givrant, je doute que ma voiture réagisse au démarrage. Et loin de moi l'idée d'abuser de ses capacités ! Je la regarde quelques secondes. Ensevelie sous un drap miroitant, elle semble dormir. Je lui souris comme à un enfant, puis pars en direction de la rue principale.

Les bâtiments de l'association ne se trouvent pas très loin de mon nouveau chez-moi. Je crois même que Noah a pris ce point en considération lors de ses recherches. Il faudrait lui demander. Dans tous les cas, cette proximité me rend d'autant plus disponible auprès des jeunes et des autres bénévoles en cas de besoin. Comme aujourd'hui.

Je repense au message d'Irène. Sa brièveté m'intrigue. D'habitude, mon amie me donne une description générale ou au moins quelques informations sur l'adolescent que je m'apprête à rencontrer. Celles-ci concernent le plus souvent son âge, son sexe, son apparence et parfois même son nom, lorsqu'il a une carte d'identité sur lui ou qu'il a bien voulu s'enregistrer. Mais là, je n'ai reçu aucune de ces données. Peut-être est-ce simplement un oubli de la part d'Irène — elle est débordée, la pauvre —, mais tout de même, cette absence de renseignements m'angoisse. J'aime savoir à quoi m'attendre, pour me préparer mentalement. J'imagine qu'aujourd'hui, il faudra improviser.

La tempête n'ayant pas ralenti mon rythme, j'arrive bien plus tôt que je ne l'aurais cru devant la façade familière du refuge. Elle n'a jamais changé, c'en est presque réconfortant. Je m'engouffre dans la chaleur du bâtiment administratif converti en chaumière et me débarrasse du surplus de vêtements. Mes bottes mouillées annoncent bien avant moi mon entrée et Irène, affairée à trier un tas de papiers, me salue gentiment par-dessus son épaule. Une expression d'épuisement marque son visage.

— Je suis contente que tu aies pu venir, Lana.

Je lui rends son sourire.

— Tu étais assez vague dans ton message, dis-je après un moment. Est-ce qu'il y a quelque chose que je devrais savoir au sujet du jeune avant de le rencontrer ?

— Oui ! Une seconde...

Irène pose une pile de feuilles de différentes couleurs sur le bureau de la réception et ferme le classeur contenant les dossiers de chaque résident. La fin d'année est un vrai bazar côté paperasse. Je ne voudrais pas être à sa place !

Pur AmantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant