14 | 'UN ENDROIT APAISANT'

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Kageyama ne s'était jamais douté que les derniers mots qu'il entendrait venant de la bouche d'Hinata étaient ceux qu'il avait prononcé quand ils étaient à la mer.

Sur le chemin du retour, il n'avait pas pipé un mot, et le noiraud avait pensé que ce n'était que passager : ces temps-ci, ça lui arrivait de ne pas réussir à parler. Des fois, après quelques heures, ses cordes vocales daignaient se plier à ses désirs. Ce ne fut pas le cas cette fois-ci.

Pour être totalement honnête, son séjour à la plage, bien que sacrément court, l'avait considérablement épuisé. Dorénavant, rester dix minutes debout n'était plus aussi simple : ça paraissait même comme un simple souvenir, si proche et pourtant si lointain. Maintenant, quand Kageyama venait, il se redressait simplement dans son lit, le visage pâle, ses yeux de plus en plus dans le vague, comme perdus dans la brume. Il réussissait tout de même à esquisser un sourire, pour lui. Parcequ'après tout, Tobio était Tobio, et le rouquin savait qu'il avait besoin de lui. Il savait qu'il avait besoin de cette petite preuve qu'il pouvait toujours être un rayon de soleil, qu'il n'était pas encore parti, et qu'il ne comptait pas se laisser abattre malgré la douleur et la mort qui commençait à tendre la main pour lui attraper la gorge. C'était dur, mais pour lui aussi, Tobio voulait tout dire et comptait comme son monde. Il ne voulait pas l'ignorer quand il arrivait. Il voulait continuer à pouvoir se lever pour l'accueillir dès qu'il entrerait dans sa chambre d'hôpital.

Son voisin, Nishinoya, allait bientôt pouvoir quitter son lit, pour partir en rééducation, certes, mais lui allait de l'avant. Il allait survivre et continuer sa vie – il allait aussi probablement continuer de faire du skateboard, n'ayant pas retenu la leçon de la dernière fois, mais après tout, il pouvait. Il était vivant, et contrairement à Hinata, allait de mieux en mieux.

Shōyō se souvenait bien du raffut que leur retour à l'hôpital avait provoqué. La docteure était furieuse, et si elle l'avait pu, elle aurait probablement bien frappé Kageyama, qui portait le malade sur ses épaules. Sa mère était en pleurs, paniquée, inquiète et angoissée. Et lui, sur le dos du noiraud, il ne pouvait même pas lui dire qu'il était désolé de ne pas l'avoir prévenu. Il ne pouvait plus lui dire qu'il l'aimait.

Il n'avait pas pu le dire à Tobio non plus, et ça faisait mal. Ça faisait si mal.

Il voulait pouvoir tout lui dire, lui parler comme il parlait avant sa maladie. Il voulait pouvoir lui montrer avec des gestes qu'il l'aimait de tout son cœur, mais il ne pouvait pas. Il ne pouvait plus.

Aujourd'hui, quand Kageyama poussa la porte de sa chambre, il ne réussit même pas à se relever. Ses yeux virant presque au grisâtre, il tourna doucement la tête vers le plus grand, et dans un dernier effort, lui sourit pitoyablement. Il ne pouvait plus communiquer avec lui, il commençait même à avoir du mal à l'entendre. Le bourdonnement dans ses oreilles prenait le dessus, et par moments il n'entendait plus rien.

Aujourd'hui, quand Tobio vint s'asseoir sur le bord de son lit et prendre sa main dans la sienne, la serrant plus ou moins fort, laissant son pouce caresser le dessus de sa main, il le sentit à peine. Les larmes ne sortaient pas : il aurait voulu pleurer, mais il ne pouvait pas.

Sa bouche s'entrouvrant, il ne fut même pas capable de prononcer un seul son. Il se sentait horrible. Inutile. Un poids pour ses proches.

Le regard inquiet de Kageyama était rivé sur lui, et il put revoir l'océan dans ses pupilles. Bleu foncé, on n'en voyait pas le fond, mais pourtant si attirant, malgré la tristesse.

Sa bouche se referma lentement.

Vis pour moi.

Je t'aime.

L'eau salée ondulant sur nos pieds [Kagehina]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant