7 | 'VIVRE HEUREUX AVANT LA FIN'

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Une semaine s'était écoulée depuis la première fois où Kageyama était allé rendre visite à Hinata, et ce dernier était d'ailleurs devenu part entière de sa routine habituelle. Maintenant, matin et soir, il passait à l'hôpital lui rendre visite et parfois même lui apporter des boissons comme du jus d'orange ou des fois juste des bonbons – alias les choses qu'il n'avait pas sur ses plateaux repas.

Ce soir là, en rentrant justement d'une visite à l'hôpital, la première chose que Kageyama fit après avoir claqué sa porte fut de se laisser glisser le long de cette dernière en enfouissant son visage dans le creux de ses mains.

Il appréciait Hinata, peut être même trop, et c'était ça qui lui causait du tort. Il ne voulait pas tenir à lui. Il s'était promis de ne pas se mêler trop activement de la vie d'une personne mourante, de ne pas s'attacher à lui, seulement, face à un garçon comme Shōyō, c'était impossible de rester sur ses gardes. Lui qui avait voulu se réserver pour ne pas souffrir, il avait mis les pieds en plein dans le plat et était maintenant sûr que quand le jour fatidique finirait par arriver, il aurait vraiment mal au cœur, peut être même – et probablement – plus qu'il ne l'imaginait.

Il finit quand même par se relever, se disant bien qu'il ne pouvait pas rester avachi sur le sol à attendre que mort s'en suive, et il traîna des pieds jusque dans la cuisine, pour remarquer que son orchidée était toujours resplendissante.

Il se souvint de la promesse qu'il s'était fait à lui-même. Si elle tenait plus d'un mois, il lui donnerait un nom. Plus qu'une semaine.

Je t'appellerai Hinata, au final, l'informa-t-il en souriant tristement.

Il se mouva ensuite jusque dans son canapé, et il alluma rapidement la télévision pour regarder les informations.

L'épidémie de grippe avait déjà fait plusieurs milliers de morts dans le pays.

Il changea de chaîne pour mettre des dessins animés comme Doraemon, ne se sentant pas vraiment d'attaque à écouter des drames alors que sa propre vie tournait à la tragédie.

Bien vite, il se trouva perdu dans ses pensées et il commença à sourire en se souvenant de comment il avait trouvé Hinata en passant ce soir là.

L'infirmière sourit à Kageyama, commençant déjà à être habituée de le voir là, et le laissa entrer dans la chambre du rouquin et de Nishinoya. Alors qu'il ouvrait la porte, un mini paquet de Dragibus dans les mains, il resta hébété devant Hinata, assis sur son lit, une pile de clémentines sur la tête et Yuu qui faisait des bruits de mouettes.

Je vais rien dire, lâcha-t-il en balançant le paquet de Dragibus en plein dans le visage du rouquin.

Ce dernier fit d'ailleurs tomber les clémentines, et sourit encore plus. Il ouvrit la bouche et réussit à craquer un « merci » assez silencieux, faisant sourire le noiraud timidement.

Un sourire s'arracha sur le visage de Tobio alors qu'il se souvenait de cette scène. Sa main trouva son chemin sur son visage, essayant de cacher son sourire et les rougissements qui le prenaient en revoyant le visage d'Hinata dans sa mémoire. Sourire et rougissements rapidement suivis par des hoquets et des sanglots étouffés.

Bordel, pesta-t-il, Je comprends pas pourquoi il me fait sentir comme ça !

Il essuya ses larmes vainement du revers de la main, agacé. Il attrapa son téléphone posé sur sa table et ses doigts partirent immédiatement chercher le numéro de son meilleur ami. Ce ne fut qu'une question de secondes avant que la voix de Terushima se fasse entendre.

Ouaip ?

— Teru ?

Ola, ola ! Tobio ! Tu pleures ?

Il pouvait immédiatement sentir l'inquiétude monter dans sa voix.

Tu peux passer s'il te plaît ?

Je cours, je vole, j'arrive mec.

Il n'eut rien d'autre à dire avant que le blond ne raccroche, le laissant alors à nouveau totalement seul.

Ses pensées n'arrivaient pas à lâcher Hinata, ce qui le frustrait particulièrement. Il n'arrivait pas à comprendre pourquoi ça lui faisait tellement mal alors qu'il ne le connaissait que depuis une semaine. Pourquoi, dès qu'il se souvenait qu'il avait entre un et neuf mois à vivre, son cœur se serrait tellement fort qu'il en avait mal. Il s'allongea dans le canapé et enfonça sa tête dans le coussin pour crier un coup, les larmes et les pleurs cassant sa voix. Il resta, le visage contre le tissu, jusqu'à ce qu'il entende un bruit de poing contre la porte, qui finit d'ailleurs par s'ouvrir lentement sur un Terushima plutôt inquiet.

J'ai apporté de la bière ? hésita-t-il en entrant.

Il ferma la porte derrière lui, posa les bouteilles sur la table basse et resta statique, bras croisés, devant son ami qui était affalé sur le canapé, n'osant même pas lever la tête pour le regarder. Le blond finit par lâcher un soupir agacé, et il s'agenouilla en face de lui pour passer une main dans ses cheveux de jais.

Parle moi Tobio, se plaint-il, Je sais que ça commence à être dur pour toi ce qu'il t'arrive, mais parle moi, sinon tu pourras pas avancer.

Le jeune homme finit par grogner quelque chose contre le coussin, seulement, ses mots étouffés par l'objet, Yuuji ne comprit pas grand chose.

Quoi ?

— J'ai dit qu'il ne méritait pas de mourir.

— À cet âge, personne ne mérite de mourir, soupira Terushima en souriant tristement, Mais la vie est une pute, et ça c'est pas une nouveauté.

— Pourquoi je me suis immiscé dans sa vie ?! J'ai pas envie de souffrir !

— Ça, c'est trop tard bonhomme, marmonna le blond en s'asseyant sur le tapis à poils longs, décapsulant une bière en la tapant contre le coin de la table basse avant de la tendre à son ami, C'est le destin. Y'a des gens que tu es destiné à rencontrer.

— Le destin de rencontrer quelqu'un de mourant ? Super.

— Tu sais pas ce qu'il va se passer dans les mois qui viennent. Faut pas que tu sois triste. C'est pas encore la fin. Il faut rester heureux tant que ce n'est pas la fin sinon à quoi bon vivre dans tous les cas ?

Tobio resta silencieux, pensif, sa pomme d'Adam bougeant au rythme qu'il avalait le liquide corsé en goût.

Peut être qu'il n'avait pas tort. Il posa sa bière, toujours sous l'œil concerné de Terushima, et attrapa son téléphone. Être heureux en attendant la fin. C'était bien beau à dire, mais c'était plus compliqué à faire.

L'eau salée ondulant sur nos pieds [Kagehina]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant