C'est sur un air grognon que Hinata se retourna dans son lit pour la énième fois, s'ennuyant à mourir. Il aurait pu être en train de faire tellement de choses ! Il aurait pu être en train d'apprendre des choses inutiles, comme une autre manière encore plus rapide de faire ses lacets, ou une façon pour peler des clémentines en une seule épluchure. Au lieu de ça, il se retrouvait dans une pièce vide, seulement alimentée par une télévision contenant les deux premières chaînes d'information principales, et une télécommande que son voisin de chambre gardait sur sa table.
Parceque oui, comble du comble, l'hôpital ne pouvant pas se permettre de laisser une chambre pour un patient incurable, il se retrouvait à la partager avec un garçon qui était encore totalement endormi suite à une opération. S'il avait été éveillé, Hinata aurait bien commencé à lui parler, faire connaissance, peut être même devenir amis durant le peu de temps qui lui restait. Il aimait faire de nouvelles connaissances, et son voisin de chambre n'allait pas être une exception. En espérant juste qu'il ne soit pas quelqu'un de grognon ou désagréable.
Le rouquin finit par se lever, le bruit de ses pieds nus contre le lino frais retentissant dans la pièce. Il frissonna au contact, et sur la pointe des pieds, se décida à faire le tour de l'étage du bâtiment dans lequel il allait résider, n'ayant certainement pas envie de rester croupir et dépérir dans un lit jusqu'à ce que la démence ne s'empare de lui.
Se tenant à la perfusion placée sur roulettes qu'il avait à côté de lui comme appui, il avança lentement dans les couloirs de l'hôpital, espérant ne pas s'effondrer ou tomber à cause de la faiblesse de son corps.
Les lumières blanches, trop lumineuses et artificielles provenant des néons lui donnaient mal à la tête, et il était obligé de plisser les yeux pour ne pas que sa vue se trouble de trop. L'odeur trop abondante des antiseptiques lui attaquait les narines. Ce n'était pas la pire odeur possible, mais il aurait préféré ne pas devoir la supporter vingt-quatre heures sur vingt-quatre, surtout quand on y ajoutait un léger arrière-goût de mort. Ses oreilles bourdonnaient un peu à cause du bruit aux alentours, des infirmières qui s'affairaient autour des lits, des médecins qui parlaient ainsi que les familles qui éclataient en pleurs ou éclataient de joie. La plupart du temps, c'était les pleurs que Shōyō entendait.
Il ne se sentait pas dans son élément, même si au cours de sa vie, l'hôpital avait été devenu quelque chose de familier dû à tous ses problèmes de santé dans le passé. Dans un hôpital, on restait sur place, on ne bougeait pas beaucoup, on restait un minimum silencieux et on respectait les malades et les mourants. Hinata était quelqu'un qui avait besoin de se défouler. Il avait besoin de sauter dans tous les sens, d'avoir des fous rires assez régulièrement et de nouveauté. Seulement là, il se rendait bien compte qu'il n'avait pas assez de force pour faire tout ce qu'il voulait. Cette maladie lui était tombée dessus sans prévenir et allait l'achever en un éclair, sans qu'il ait le temps d'y ajouter son grain de sel. Il ne savait même pas d'où elle venait. Peut être devrait-il se renseigner auprès des médecins, après tout, ils étaient aussi là pour ça.
L'agacement de savoir qu'il allait finir ses jours dans un endroit comme celui-ci monta en lui, et ses lèvres se pincèrent alors qu'il sortait les deux euros qu'il avait gardé dans sa main et qu'il les insérait dans le distributeur. Il pressa deux boutons assez brusquement, attirant l'œil de certains autour de lui, et dorénavant fulminant devant le plan qu'était son futur, il attrapa rageusement sa cannette de jus d'orange et commença à la boire bruyamment.
Manquant de s'étouffer à force de boire aussi vite, il toussa un peu et son esprit se remit à divaguer vers le jeune homme aux cheveux de jais qu'il avait croisé peu de temps avant. Sans qu'il ne le remarque, un léger sourire se dessina sur ses lèvres et ses joues se teintèrent de rouge. Il lui avait promis. Il allait l'emmener à la mer.
Hinata reprit sa route vers sa chambre tout de suite bien plus guilleret. Il n'avait pas cherché à creuser plus profondément dans sa rencontre avec le noiraud dans la matinée. De toute façon, même s'il le souhaitait, il n'aurait pas réussi, sa capacité à réfléchir et penser commençant déjà à être limitée, et puis il était aussi du genre à faire confiance au premier venu.
Si cet inconnu lui avait promis qu'il l'emmènerai à la plage, alors, il finirait par revenir et par l'emmener voir la mer comme prévu. Il ne chercha pas plus loin que ça.
Quand il rentra dans sa chambre, il se fit accueillir par des éclats de voix.
— Oh ! C'est toi celui avec qui je partage ma chambre ?!
Le sourire que le rouquin avait sur le visage s'agrandit alors qu'il hochait la tête vivement. Sa bouche s'ouvrit dans l'intention de confirmer ses dires et de lui annoncer son prénom, mais aucun son ne sortit d'abord, suivi rapidement de suites de syllabes qui n'avaient pas beaucoup de sens. Le brun dans le lit d'en face le fixa assez étrangement, le laissant se dépatouiller comme il pouvait.
— Oui ! finit par s'exclamer le jeune homme, exténué rien que pour dire ce mot, Je m'appelle Hinata Shōyō !
— Shōyō ! répéta le garçon, son sourire reprenant place sur son visage, Super ! Je m'appelle Nishinoya Yuu !
Des étoiles dans les yeux, Hinata se rassit sur le bord de son lit, laissant ses jambes se balancer dans le vide alors qu'il essayait de reprendre la parole avec tout autant de difficultés.
— J'ai du mal à parler à cause de ma maladie, désolé. Il t'est arrivé quoi ?
— Oh je vois, souffla Noya sur un ton qui se voulait compatissant, et son visage devint plus grave, Bah j'étais en skate et je me suis fait faucher par une voiture. J'ai perdu une de mes jambes, je me suis cassé un bras et fêlé deux côtes. J'avais de la chance d'avoir un casque, sinon je serais déjà mort.
Le roux resta silencieux, assez horrifié à l'idée qu'il lui manquait une jambe, et il baissa le regard, sirotant en silence son jus d'orange.
— Et toi ? C'est pourquoi que t'es là ?
Sa question resta en suspens, comme si Shouyou ne l'avait pas entendu, ce qui le déstabilisa grandement, et il se gratta la nuque, assez désemparé.
— Eh oh ?
— Ah oui !
Comme sorti de sa torpeur, le jeune homme fouilla dans son sac et sortit un bloc-notes que Yachi lui avait donné ce matin-même, au cas où il n'arrivait plus à parler et que ça le fatiguait trop. Il tourna la première page pour en lire le nom de sa maladie, déchiffrant chaque syllabe comme s'il lisait un nouveau mot.
— Leuco.. encé... phali– non, phalopathie multifocale prog– progressive.
En levant le regard et en voyant l'expression perdue sur le visage de Yuu, il attrapa son stylo et commença à griffonner sur le papier pour le lui expliquer plus facilement.
Au début j'ai du mal à penser, et à parler, des fois mon cerveau arrête totalement de penser et j'ai des blancs. J'ai aussi quelques maladresses parfois et j'ai du mal à voir. Ça va être pire au fil du temps, et je vais peut être perdre la vue avec le temps. Je vais finir par devenir fou et je vais mourir dans quelques mois.
Il déchira le papier d'un coup sec et le tendit à son nouveau colocataire avant de poser son bloc-notes et de reprendre une gorgée de sa boisson, doucement.
— Tu ... Tu vas mourir ? bredouilla le brun.
— Oui, ça fait peur. Surtout en sachant que– en sachant que je vais être dément à la fin, je n'aurais jamais vraiment mes derniers instants de vie.
— Comment tu peux être aussi calme en en parlant ?
— Quelqu'un m'a promis qu'il m'emmènerai voir la mer avant que je perde la raison, alors ça ira.
Seulement, quand il prononça ces mots, Noya ressentit comme un tremblement dans sa voix, et, les sourcils froncés, il releva la tête du papier pour le trouver les poings fermés contre sa blouse d'hôpital, tête baissée, luttant pour ne pas laisser les larmes prendre le dessus.
Nishinoya comprit que malgré son envie de montrer à ses proches qu'il se sentait bien, ça n'allait pas aller du tout.
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L'eau salée ondulant sur nos pieds [Kagehina]
FanfictionLui, il n'avait qu'un rêve, rien qu'un souhait. Il voulait voir la mer, au moins une fois dans sa vie. Il voulait pouvoir mettre les pieds dans l'eau salée, il voulait sentir les vagues s'échouer contre ses mollets avant de repartir. Seulement, pour...