9 | 'UNE AUTORISATION'

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Kageyama resta grimaçant, en silence, se demandant pourquoi au juste il se faisait réprimander comme s'il avait posé la question la plus idiote possible. Il avait l'impression d'être retourné en CE1, où il avait eu droit à l'engueulade de sa vie quand il s'était battu « sans faire exprès » avec un garçon de sa classe.

Vous ne pensez pas que c'est assez irresponsable ?!

Elle ne lui laissait même pas le temps de répondre à ses questions, qui plus est.

S'il est à l'hôpital, c'est pour une raison ! Vous avez quel âge au juste pour même penser que ça pourrait être une bonne idée !?

Cette femme probablement âgée au minimum d'une cinquantaine d'années commençait à sérieusement lui taper sur les nerfs. Elle était peut être docteure, mais ça ne lui donnait pas non plus le droit de se comporter de manière aussi supérieure.

Écoutez je veux juste– essaya-t-il de commencer de manière assez polie, dans l'espoir de la brosser dans le sens du poil.

Je ne veux pas entendre vos explications futiles ! Non c'est non ! Vous n'avez pas l'air d'avoir compris ça ! le coupa-t-elle sèchement, Vos parents vous ont éduqué comment, au juste ?!

Cette dernière phrase fit vraiment tiquer Tobio, et un léger sourire exaspéré apparut sur le coin de ses lèvres alors qu'il laissait ses yeux se fermer, dans l'espoir qu'il regagne son calme et dans l'espoir de faire arrêter tiquer sa paupière droite sous le coup de l'exaspération. Elle le voyait vraiment encore comme un gosse, et piquer une crise n'allait pas arranger cette vision.

Vous allez me laisser m'exprimer, oui ? finit-il par grincer, ses yeux la fusillant du regard.

Je ne vois pas à quoi ça servirait. Je suis docteure, vous, vous êtes quoi ? Serveur dans un bar ? Je pense que vous êtes mal placé pour essayer de vouloir me donner des explications sur mon travail et mes décisions.

— MAIS IL EST MOURANT ! craqua le noiraud, IL VA CREVER, QUE VOUS LE VOULIEZ OU NON, QUE J'Y AJOUTE MON GRAIN DE SEL OU NON !

Là, elle resta figée, et Kageyama pouvait presque sentir le regard des gens sur lui. Pour être honnête, il s'en contrebalançait totalement, et ça ne l'empêcha pas de continuer à crier.

DE TOUTE FAÇON, QU'IL AILLE À LA MER OU NON, ÇA NE CHANGERA PAS CE FAIT !! JE VEUX JUSTE QU'IL PUISSE PARTIR EN AYANT VÉCU SON RÊVE, JE N'AI PAS ENVIE QU'IL MEURE MALHEUREUX !

Il jura entendre des infirmières murmurer sur son compte à quelques mètres derrière lui, ce qui ne l'aida pas à se calmer. Il commençait furieusement à penser qu'il devrait essayer de se mettre au yoga, ça pourrait peut être l'aider à réussir à garder son calme.

La docteure en face de lui, quand elle remarqua qu'il avait fini de crier, haussa les sourcils, le regardant de haut, et croisa les bras.

Et alors ?

Kageyama crut recevoir un coup dans l'estomac devant tant de froideur.

Q-quoi et alors ? répéta-t-il, bredouillant.

Et alors, qu'est-ce que ça peut me faire ?

Deuxième coup dans l'estomac. Il allait finir par arrêter de respirer si elle n'arrêtait pas tout de suite de lui répondre par des phrases aussi dénuées d'émotions envers un garçon mourant.

Quoi ?

— Qu'est-ce que ça peut me faire, qu'il soit mourant ? J'en vois tous les jours, des patients qui meurent, et ce n'est pas parcequ'un adolescent me beugle dessus que je vais briser le protocole.

— Donc la vie ou le bonheur de quelqu'un ne vous importe pas ? balbutia-t-il, choqué.

Pas vraiment, non. Je ne peux pas le laisser quitter l'établissement.

— Vous vous fichez de moi ?

— J'ai l'air de rire ? Je me répète, mais de plus, emmener quelqu'un à la mer c'est une idée stupide. Ça n'améliorera pas son état, bien au contraire.

— Pourtant ils disent que le sourire est la meilleure des médecines. S'il est malheureux, c'est clair qu'il n'essaiera pas de s'accrocher à la vie.

Écoutez jeune homme, ne continuez pas à me faire perdre mon temps avec des paroles de hippies ridicules, j'ai des choses à faire.

Elle ne lui laissa pas le temps de la contredire qu'elle tournait déjà les talons et appelait une infirmière avant de quitter les couloirs rapidement. Tobio était désemparé, et c'était encore un mot bien trop faible.

Il retourna vacillant jusque dans la chambre du rouquin, qui était assis sur son lit, des étoiles dans les yeux, un grand sourire sur le visage.

Alors ? demanda-t-il difficilement, Je peux sortir de l'hôpital ?

En le voyant, empli d'espoir, il ne put se résoudre à lui avouer la vérité. Et puis tant pis. À la place, il sourit doucement, amusé.

Ouais. On va aller à la mer.

Hinata leva les bras au ciel en signe de victoire, rayonnant encore plus qu'avant, si c'était vraiment possible, et il se laissa tomber sur son lit en riant.

Je vais aller à la mer !

— Calme toi, lui intima le noiraud, timidement, avant de s'asseoir au bord du lit, Ce n'est pas encore fait.

— Merci d'avance Tobio.

— Ne me remercie pas pour ça.

— Bah si, tu vas réaliser mon rêve. T'es mon sauveur.

— Ne parle pas de trop abruti, ça va t'épuiser, bredouilla Tobio, les joues rouges d'embarras.

Shōyō sourit un peu plus et finit par hocher la tête. Il allait aller à la mer. Kageyama le lui avait promis. Il l'emmènerait à la mer.

L'eau salée ondulant sur nos pieds [Kagehina]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant