13 | 'MERCI POUR TOUT'

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Kageyama avait beau être assez perturbé après ce qu'il pouvait qualifier de « l'incident du train », en voyant le visage d'Hinata subitement s'illuminer et rayonner ainsi que ses yeux pétiller il ne put s'empêcher d'à son tour esquisser un sourire satisfait, et un petit soupir amusé quitta ses lèvres.

Le regard de Shōyō divaga de la mer devant lui à celui qui l'avait emmené ici, son sourire presque aussi resplendissant que le soleil qui se reflétait sur la surface bleutée et salée.

C'est la mer ! il voulait crier, mais ses cordes vocales refusaient de se plier à ses désirs, et son exclamation sortit plutôt comme un craquement.

Oui, c'est la mer, répéta Tobio, ses mains dans ses poches, Tu veux mettre tes pieds dans l'eau ?

— Je peux ?! il fallait vraiment commencer à tendre l'oreille pour l'entendre.

Kageyama hocha doucement la tête et s'approcha de lui. Après avoir retiré ses chaussures, le rouquin s'accrocha au bras que lui tendait le plus grand pour l'aider à marcher, et trébucha sur le sable.

C'est drôle, ça chatouille.

Au fond, derrière son sourire, le noiraud était terrifié. Il était terrifié par la possibilité qu'à chaque instant, Hinata puisse perdre la raison, ou puisse avoir une autre de ses crises – seulement, elle ne serait pas aussi courte que les autres : il ne pourrait peut-être même pas s'en extirper. Le remarquant d'abord à peine, Tobio finit par sentir ce sentiment si familier qu'était la boule qui prenait place dans le fond de sa gorge et qui l'étranglait douloureusement. Ce sentiment qu'étaient les larmes qu'on empêchait de faire sortir.

Il fut tiré de ses réflexions quand Hinata posa son premier pied dans l'eau et qu'il s'émerveilla. Un rire venant du fond de la gorge quitta ses lèvres asséchées.

Génial ! C'est génial !

Il leva les pieds et les reposa dans l'eau, essayant de sauter et d'éclabousser ses mollets, riant doucement. Les vagues vinrent s'échouer contre ses tibias, mouillant le bas du pantalon qu'il portait. La sensation de l'eau venant claquer et foncer contre sa peau était étrange, mais il adorait ça. Il adorait pouvoir sentir l'eau lui chatouiller les orteils et pouvoir d'ailleurs enfouir ces derniers sous le sable un peu vaseux. Il adorait aussi le frisson quand il marchait sur des petits coquillages ou sur des petites algues et la brise salée qui soufflait contre lui et faisait voleter ses cheveux doucement. Il adorait la mer en général. Toute sa vie, il avait voulu voir la mer : c'était son plus grand rêve, il avait voulu pouvoir mettre les pieds dans l'eau salée et regarder les vagues s'échouer et l'écume prendre sa place.

Sans Kageyama, il n'aurait jamais pu réaliser son rêve. D'ailleurs, sans Kageyama, il ne serait peut-être déjà plus en vie. À part sa sœur et sa mère, c'était le seul qui le gardait vraiment accroché à la corde. Enfin, sa corde, maintenant, ce n'était plus qu'une ficelle qui manquait de briser à tout instant. Grâce à Kageyama, il avait l'impression d'être un peu plus solide. Le sourire qu'il réussissait à étirer sur ses lèvres paraissait comme être un remède à lui tout seul contre sa maladie. Il avait envie de continuer à avoir Kageyama dans sa vie, pour toujours. Quoique ce n'était pas qu'une envie : c'était un besoin. Tobio était sa moitié, celui dont il avait besoin pour vivre, et personne ne pouvait l'empêcher de penser ça.

Peut-être que maintenant, son rêve, ce n'était plus la mer. Après tout, ces temps-ci, quand il rêvait – et qu'il arrivait à se souvenir – c'était au noiraud qu'il pensait, et pas au bruit que pouvaient faire les vagues en s'échouant sur le sable.
Peut-être que maintenant, son rêve c'était Tobio. Lui entier, son être en totale globalité : c'était ça, son rêve. Qui avait besoin de la mer quand on pouvait l'observer dans les yeux de la personne à côté de soi ? Les yeux de Tobio étaient devenus sa plus grande source de bonheur, et l'avoir près de lui était devenu la chose qu'il voulait le plus au monde. Il ne voulait pas qu'il le quitte, pas maintenant, pas après tout ce qu'il avait déjà fait pour lui.

Shōyō ne pleurait pas souvent à cause de sa maladie. Il avait appris à faire avec, il avait appris à l'accepter. Souvent, ce qui le faisait pleurer, c'était voir les larmes de Kageyama perler dans ses beaux yeux bleu océan. Aujourd'hui, pourtant, il sentit la boule dans le fond de sa gorge. Il sentit sa vue s'embrumer et sa lèvre inférieure se mettre à trembler.

L'idée de quitter Tobio un jour ou l'autre prochain lui faisait peur. L'idée même de l'oublier à cause de sa maladie le terrifiait. Et s'il oubliait à qui appartenaient ces yeux aussi profonds que la mer ? Et s'il oubliait même que ces yeux avaient une teinte maritime ? C'était une pensée cauchemardesque, qui le hantait un peu plus chaque jour. La peur de ne plus pouvoir lui dire ce qu'il ressentait était elle aussi de plus en plus présente, comme celle de ne plus le voir et de ne plus pouvoir l'entendre, et il savait bien qu'un jour, il arrêterait même de prendre conscience, que ce soit du monde qui l'entourait ou de lui-même. Son cerveau déciderait juste qu'il était temps d'arrêter de fonctionner, et il le laisserait comme légume dans un lit d'hôpital. Ce jour signifierait qu'il quitterait alors Kageyama, qu'il serait désormais incapable de le voir, de communiquer avec lui : la mort allait le prendre avant. Tôt ou tard, il allait être séparé de lui, et ce pour l'éternité.

C'était quelque chose d'absolument terrifiant.

Aujourd'hui, la boule qui grimpait dans le fond de sa gorge fut plus forte. Aujourd'hui, il ne sut pas pas contenir ses peurs, et les sanglots, silencieux mais inexorables, finirent par se laisser voir.

Ses larmes allaient se mêler avec l'eau de l'océan, toutes aussi salées que ce dernier.

Quand Kageyama remarqua les épaules du jeune homme devant lui tressailler, il savait ce qu'il se passait, et un coup de stress l'assaillit. Sous ses yeux écarquillés, Shōyō finit par se retourner, les rayons du soleil qui commençait à se coucher l'illuminant, comme s'il était un ange. Les larmes roulant le long de ses joues, s'étouffant presque sur quelques sanglots, il réussit quand même à trouver le courage de sourire de toutes ses dents.

Un sourire éclatant, heureux, mais qui trahissait pourtant une grande tristesse. Ce sourire lui brisa le cœur et pourtant à la fois le fit battre plus vite.

Tobio, merci pour tout !

Sa voix était claire et nette. Elle n'était pas rauque comme toutes les autres fois où il parlait, ou même faible. Kageyama l'avait clairement entendu et le son avait résonné et vibré contre ses oreilles.

Elle n'avait rien d'un « je t'aime » et pourtant elle n'en était que plus significative.

Parceque c'est cette phrase, ce sourire, dont il se souviendrait jusqu'à la fin de ses jours, il en était persuadé. Même quand il serait vieux, hagard, en maison de retraite dans sa chaise roulante et peut-être croulant sous l'Alzheimer, il en était sûr : ce moment lui serait encore gravé dans l'esprit, plus que le jour peut-être où il se marrierait et aurait un enfant, parcequ'après tout, Hinata était et restera la pire et la meilleure chose qui lui était jamais arrivé. Il restera son premier amour et la personne qu'il aura chéri le plus au monde. Avec sa mort, il aura emporté un morceau de son cœur qui l'empêchera d'être pleinement heureux avec une future personne, et pourtant, il ne lui en voulait pas. À la place, il venait de lui donner ce moment. Et ce moment, cette phrase, ce sourire, il l'avait décidé, alors que les larmes roulaient continuellement sur ses joues, ce sera son souvenir préféré, et il l'emportera jusque dans sa tombe. Ce n'était pas quelque chose de négociable.

~nice. Officiellement, c'est mon chapitre préféré, ça fait grave longtemps que je voulais l'écrire.
ET POURTANT JE LE POSTE MAINTENANT POUAH.
Je l'ai écrit en vingt minutes à 17:40 laissez moi tranquille 😭
Bon je suis déterminé, les chapitres devraient ressortir plus régulièrement !
On approche de la fin !
Lol Hinata dead– pardon faut pas rire avec ça 💀~

L'eau salée ondulant sur nos pieds [Kagehina]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant