L'eau salée ondulant sur nos pieds [Kagehina]

8 | 'LA MER DANS SES YEUX'

Hinata était allongé dans son lit, Kageyama allongé à côté de lui, leur regards tous deux rivés vers la télévision qui diffusait « La Reine Des Neiges 2 ». De son côté, Nishinoya qui l'avait déjà vu avant son accident lisait le dernier livre que son petit ami avait publié.

Tobio se mit à grogner quand à la télé, Elsa commença à chanter, faisant rire le rouquin.

— Elles chantent trop ! se plaint le noiraud, C'est sensé être un film Disney pas une comédie musicale !

— Les films Disney sont tous quasiment des comédies musicales, fit remarquer Nishinoya sans lever le regard de son livre.

Hinata acquiesça sans piper un mot, amusé, mais préférant réserver ce qui lui restait de ses cordes vocales pour des choses plus importantes.

Tobio fit la moue, assez ennuyé, et préféra tourner la tête pour observer Shōyō plutôt que de regarder la chanson. Ce dernier finit d'ailleurs par remarquer qu'il était fixé, et il tourna à son tour la tête, lui lançant un regard interrogateur.

— J'ai l'impression de pouvoir voir des étoiles dans tes yeux, avoua-t-il, émerveillé.

Le visage rouge, Hinata sourit doucement et posa sa main sur la joue droite du jeune homme. Il ouvrit la bouche, et avec beaucoup de difficulté, réussit à craquer une phrase.

— Et moi j'ai l'impression de voir la mer dans les tiens.

Les deux restèrent silencieux, leurs iris plongées dans celles de l'autre, et Yuu finit par grommeler :

— Et moi j'ai l'impression que je vais me jeter sous une nouvelle voiture si vous continuez à vous tourner autour de cette manière.

Hinata lui jeta un oreiller en plein visage comme toute et simple réponse, quand même assez amusé et embarrassé. Il bailla ensuite bruyamment et se laissa retomber dans son lit, épuisé.

— T'as déjà plus de force ? s'étonna Kageyama – il était seulement onze heures.

— C'est le film, murmura le rouquin comme excuse.

— Pas de problème, repose toi.

Alors qu'il allait se lever pour le laisser dormir, Shōyō lui attrapa le poignet mollement, le regardant d'un air suppliant. Tobio se retourna, perdu, et cligna des yeux plusieurs fois, ne comprenant plus.

— J'ai peur que si je m'endors ... Je ne me réveillerai pas ... admit-il.

Cette phrase eut l'effet bien plus violent pour Kageyama qu'un uppercut en pleine mâchoire. Son cœur se serrait tellement fort dans sa poitrine qu'il croyait qu'il allait se déchirer, et il avait arrêté de respirer comme si ça allait l'empêcher de laisser ses glandes lacrymales tourner à plein régime.

— S'il te plaît, s'étouffa le malade, forçant clairement sur sa voix, Reste avec moi jusqu'à ce que je m'endorme.

Kageyama se rassit, jeta un regard anxieux au voisin de chambre du garçon pour lequel son cœur battait, pour le trouver le visage enfoui dans son livre, ne voulant probablement pas se faire de mal non plus en écoutant ou en regardant plus longtemps Hinata.

Le noiraud reposa alors son regard sur Shōyō qui le regardait avec attention. Alors, pour le rassurer et lui prouver qu'il resterait à ses côtés, il prit sa main dans les siennes et il lui esquissa un semblable de sourire.

— Je suis avec toi, que tu me voies ou non. Dors, je ne bouge pas.

Alors, le rouquin l'écouta et laissa ses paupières plus que lourdes se refermer. En entendant sa respiration se calmer et se poser après seulement quelques instants, Nishinoya releva la tête, concerné.

— Tu sais que tu ne vas pas pouvoir rester jusqu'à ce qu'il se réveille, n'est-ce pas ?

— Je sais bien. Je dois aller au travail dans moins d'une heure dans tous les cas, acquiesça-t-il amèrement, Mais j'ai encore le temps. Alors je vais rester un peu.

Yuu resta silencieux, plissant les yeux en l'observant porter son regard sur Hinata.

— Tu l'aimes, au moins un peu, n'est-ce pas ?

Les lèvres de Tobio se pincèrent, et son regard ne quitta pas celui du garçon endormi alors que Noya attendait sa réponse.

— Oui.

Ils restèrent en silence jusqu'à ce qu'une infirmière toque à la porte.

— Kageyama ? hésita-t-elle.

— Chut, il dort.

— Quelqu'un d'autre est là pour le voir, tu vas devoir y aller.

Tobio releva la tête pour voir une femme d'environ cinquante ans aux longs cheveux roux, ainsi qu'une adolescente aux cheveux tout aussi flamboyants. Il se leva, incapable de dire quoi que ce soit devant ce qui était évidemment la famille de Shōyō.

Il passa sans dire un mot, mais ce qui était probablement sa mère l'arrêta.

— Tu es Tobio ?

L'intéressé se figea, ne sachant pas quoi répondre. Il finit par se retourner et hocher la tête.

— Merci d'être là pour mon fils, il en a besoin.

— C'est normal.

— Si tu étais arrivé dans sa vie quelques années plus tôt, je t'aurais demandé de ne pas céder à ses caprices, raconta-t-elle en souriant tristement, Mais vu l'état dans lequel il est maintenant, je suis incapable de te dire ça.

Kageyama hocha la tête, déglutissant en silence.

— Merci d'être là pour lui, termina-t-elle alors que ce qui devait être la petite sœur de Shōyō partait se blottir contre son grand frère, Il tient beaucoup à toi.

— Je tiens aussi beaucoup à lui.

Kageyama se pencha à quatre-vingt-dix degrés puis ressortit de la pièce en silence. Maintenant, il n'avait plus qu'à reprendre sa routine, vide de l'intérieur, avant de pouvoir voir Hinata quand il prendrait sa pause d'une heure aux environs de vingt-et-une heures.