Chapitre 34 - JOSH

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J'enfilai un T-shirt appartenant à Matt afin d'être plus à l'aise pour dormir dans le canapé, mais le sommeil se laissait désirer. Je pensais au Gala, à Elena, à son père, à Andrew. Je pensais à Joanne aussi.

Un bruit vint perturber mes réflexions. Je me redressai sur les coudes pour apercevoir une silhouette s'approcher de moi doucement. Je reconnus à peine Elena dans le noir. Elle se blottit contre moi dans le canapé. Elle pleurait. Ses larmes humidifiaient le T-shirt de Matt. Un peu paniqué, je refermai mes bras autour d'elle et caressai son dos du bout de mes doigts dans une tentative d'apaisement. Au bout d'une minute, elle chuchota :

— Est-ce que tes parents te manquent ?

— Tous les jours, avouai-je dans un souffle.

— Est-ce que tu te demandes s'ils seraient fiers de toi ?

— Ta mère serait fière de toi Elena.

— Tu ne réponds pas.

Mes parents étaient morts dans un accident de voiture. J'avais vingt ans. J'étais en première année à Columbia. Elena venait d'entrer dans ma vie.

Elle ne s'était pas déplacée pour l'enterrement, mais elle m'avait épaulé les jours suivants, comme le reste de mes amis. J'adorais mes parents. Ils voulaient tout connaître de moi et je désirais tout partager avec eux. Enfin, presque tout. Bientôt huit ans qu'ils m'avaient quitté, et j'avais toujours du mal à évoquer leur souvenir. Elle le savait. Mais elle avait besoin de moi, alors je parlai.

— Je me pose souvent la question. Chaque jour, je me demande ce qu'ils penseraient de ceci ou de cela. Je crois qu'en réalité les parents sont fiers de nous quoi que nous fassions. Peu importe notre situation, notre vie sentimentale, ou notre comportement. Ce qui compte pour eux, c'est qu'on soit heureux, qu'on vive en accord avec nous-même. C'est ce que j'essaye de faire. Alors, je qu'ils seraient fiers de moi.

— Ma mère me manque tellement, dit-elle. Tous les jours. Elle me manque encore plus quand je suis avec mon père. Parfois, je lui en veux de son attitude. Parfois, j'en veux à ma mère. Est-ce que je suis quelqu'un d'horrible ?

— C'est normal de ressentir de la colère. Quand je me sens perdu, il m'arrive encore de leur en vouloir de ne pas être là pour me guider.

Ma voix vibrait tandis que je réprimais avec difficulté la boule qui se formait dans ma gorge.

— J'étais venue, tu sais. Ce jour-là, j'étais venue, murmura-t-elle.

Une larme silencieuse roula sur ma joue.

— Mais je n'ai pu te rejoindre, continua-t-elle. Tu étais si triste. Vous étiez tous si tristes. Je ne me sentais pas le droit d'être là, avec vous, à pleurer moi aussi alors que je les connaissais à peine. Je m'en suis tellement voulu ensuite. J'aurais dû être présente pour toi.

Je resserrai mon étreinte autour d'elle et enfouis mon visage dans ses cheveux qui exhalaient une odeur délicate de vanille.

— J'ai été égoïste, je te demande pardon, sanglota-t-elle.

Au bout de quelques minutes durant lesquelles je continuai de passer lentement mes doigts le long de sa colonne vertébrale, ses larmes se tarirent. Elle déclara alors :

— Tu te trompes. Elle ne serait pas fière.

— Ne dis pas ça, chuchotai-je.

Je pris son menton dans ma main droite, la forçant à lever son visage vers moi pour déposer un baiser délicat sur sa tempe, un autre sur sa paupière, sur sa joue. Je goûtais le sel de ses larmes sur mes lèvres.

Le lendemain, je me réveillai seul sur le canapé de Matt. Je me sentais bizarre, comme vidé. Parler avec Elena m'avait fait du bien. J'espérais qu'elle ressentait la même chose. Je me redressai pour aller faire du café et appelai Chris afin de requérir son aide pour me trouver un costume pour la semaine prochaine.

Matt me rejoignit, bientôt suivi de Rory et Elena. Cette dernière ne s'éternisa pas, cependant, et nous nous retrouvions bien vite tous les trois dans la cuisine.

— Qu'est-ce qu'il s'est passé hier soir ? me demanda Rory.

— De quoi tu parles ?

— Me prends pas pour une idiote, lâcha-t-elle. Je sais qu'elle n'a pas dormi avec moi.

— Ni avec moi, dit Matt.

Un soupir las m'échappa alors que ma main glissait dans mes cheveux.

— Elle avait juste besoin de discuter, déclarai-je.

— Mais encore ?

— Elle voulait parler de sa mère. De mes parents.

— Ah...

Rory me lança alors son regard le plus douloureux, comme chaque fois que le décès de mes parents venait à être évoqué. Je détestais ce regard. Je détestais la rendre triste. Je détestais me sentir petit et faible à ses yeux. De la gratitude me saisissait également le cœur de constater la compassion dont mon amie faisait preuve. Un mélange de sentiments étrange.

— Sa relation avec son père semble spéciale, remarqua Matt. J'étais content qu'elle nous en parle, mais franchement ça n'a pas l'air très sain tout ça. Qu'est-ce que t'en penses, toi qui l'as vu ?

— Vous ne vous rendez pas compte, les gars, hésitai-je. J'étais assez choqué de cette rencontre. Son père s'est comporté comme un... il n'a pas été sympa du tout.

— C'est-à-dire ?

— Il ne m'a même pas dit bonjour. C'est tout juste s'il m'a regardé. Deux fois, il est venu chercher Elena pour la tirer loin de moi.

— T'es sérieux ? À ce point-là ? s'exclama Rory.

— Toute la soirée, elle a fait semblant de s'intéresser à des gens inintéressants, voire insultants. Et tout ça en gardant le sourire. Toujours le sourire. Un sourire que je n'avais jamais vu sur son visage, d'ailleurs.

Une colère sèche avait pris le contrôle de ma bouche. Je m'aperçus un peu tard que mes amis m'observaient avec des yeux ronds.

— Carrément ? souffla Matt, choqué.

— J'en sais rien, soupirai-je. Peut-être que je dramatise.

— Je ne pense pas, grommela Rory. Elena s'est toujours plaint de devoir aller à ce genre de trucs. Si c'est ça, je comprends mieux.

— Son père l'a grave engueulée parce qu'elle s'est affichée avec moi la dernière fois. Je n'ai pas envie que ça recommence. On se voit tout le temps. Qu'est-ce que ça peut faire si pendant une soirée on s'évite ?

Ils rirent. Une réaction totalement inattendue, presque déplacée, qui me poussa à demander avec une pointe de contrariété :

— Qu'est-ce qu'il y a de drôle ?

— Vous n'y arriverez jamais, lâcha Rory.


A la porte de ton cœur - Chroniques de nos Cœurs Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant