A la porte de ton cœur - Chroniques de nos Cœurs Tome 1

Chapitre 5 - ELENA

Je m'avançai vers la chambre d'amis, le cœur battant. Il m'avait caressé la joue, le cou, la clavicule... Je sentais encore ses doigts sur ma peau. Ils semblaient avoir laissé une traînée brûlante derrière eux.

Merde, mais qu'est-ce qu'il lui a pris ?!

Non pas que ce soit si bizarre, pensai-je en m'allongeant à côté de Rory. Nous sommes amis. Une étreinte ou un baiser sur le front constituaient des marques d'affection habituelles entre nous. Ce qui était bizarre en réalité, c'était ce que ça déclenchait en moi lorsqu'il s'agissait de Josh.

Pour être totalement franche, il ne m'avait jamais laissée indifférente, mais l'attirance n'était pas réciproque. Le jour de notre rencontre, j'avais espéré qu'il m'embrasse, mais il n'en avait rien fait. Depuis, j'avais construit une véritable amitié avec lui et les autres, alors il n'était plus question d'envisager quoi que ce soit. Cependant, parfois, il m'arrivait d'être prise de court. Comme ce soir-là.

Il avait débarqué danderrière moi sans prévenir et quand je m'étais retournée, il était en boxer noir et T-shirt gris moulant. J'avais déjà pu observer le torse nu de Josh, et ce qui se cachait sous ce haut me plaisait bien.

Il s'était appuyé contre le chambranle de la porte de la cuisine, offrant à ma vue ses longues jambes musclées, son torse taillé en V et ses bras puissants. Mes yeux étaient remontés jusqu'à son visage rasé de près, passant sur son grand sourire surmonté de ses iris bleus. J'adorais ses cheveux châtains, toujours légèrement ébouriffés. L'envie de fourrer mes doigts dedans me titillait souvent. Je le faisais parfois.

Bien plus tard, je fus réveillée en sursaut par un vacarme insupportable à côté d'une Rory hurlante et bondissante. Je grommelai avant de me lever en bâillant pour enfiler ma robe de la veille, me recoiffer rapidement devant le miroir et rejoindre ensuite les autres dans la cuisine.

Après avoir bu le smoothie fraise-banane concocté bruyamment par Matt, je pris mes affaires et quittai mes amis pour rentrer chez moi. Je me préparais un café, le téléphone calé contre mon oreille, lorsque Chris décrocha à la deuxième sonnerie :

— Hello beauté fatale ! Que me vaut le plaisir ?

— Hello joli prince. Comment vas-tu ce matin ?

— Très bien, répondit-il d'une voix enjouée, j'ai passé une merveilleuse nuit au côté de mon petit ami.

— Ah ! Alors ça y est vous officialisez avec Robyn ? Enfin ! ça fait quoi, deux mois que vous vous côtoyez ?

— Oui, confirma-t-il, on a préféré prendre notre temps et je pense que c'était pour le mieux. Il sera là ce soir. Toi aussi ?

— Oui, je vais venir avec les autres.

— Cool ! Je ne les ai pas vus depuis un moment, et puis avec Mel et Cynthia ce sera marrant.

Cynthia et Mel formaient le plus heureux des couples depuis six mois.

— C'est toujours bon pour toi cet après-midi ? lui demandai-je.

— Quoi cet après-midi ?

— Chris, soupirai-je, on avait prévu d'aller faire du shopping.

— Bien sûr ! s'exclama-t-il. J'avais complètement oublié, mais je suis dispo. Tu sais bien que j'adore t'habiller.

Un petit rire m'échappa.

— On dirait que tu vas jouer à la poupée, plaisantai-je.

— C'est un peu ça, chérie.

Je levai les yeux au ciel tout en gardant un sourire sur mes lèvres.

— On se retrouve plus tard chez Bloomingdale's. Rory sera là aussi.

— Ah génial ! On va se marrer !

— À tout à l'heure.

— À tout à l'heure ! Bisou ma belle.

Je partis ensuite me défouler à la salle de sport. Essoufflée et transpirante sur le tapis de course, je repensais à la soirée d'hier. J'étais heureuse de m'être livrée à quelques confidences auprès de mes amis, mais je n'étais pas certaine d'assumer. S'attendaient-ils à ce qu'à présent je leur donne tous les détails de ma vie sentimentale ? J'avais peur d'avoir entrouvert une porte impossible à refermer. Or, il fallait que je la referme. C'était ainsi que je fonctionnais. Je segmentais ma vie : mon père, mes amis, mes aventures.

Mon père ignorait presque tout de ma vie. Je lui cachais tout ce que je craignais qu'il désapprouve, et en particulier mes amis. Eux-mêmes m'entendaient peu parler de lui. Je les connaissais suffisamment pour savoir qu'ils me conseilleraient de me rebeller alors que je préférais éviter la confrontation.

Je ne m'investissais dans aucune relation sérieuse puisque cela aurait nécessité une officialisation auprès de mon père, et il en était hors de question. Le seul homme que je pourrais lui présenter devrait correspondre à ses critères. Et il devrait être prêt à me passer la bague au doigt parce que je ne pourrais pas en faire défiler trente-six.

Mes aventures restaient également secrètes aux yeux de mes amis. Dans le cas contraire, ils m'exhorteraient à m'engager, à m'ouvrir, et je me refusais à m'infliger ce genre de pression.

Le problème en étant éparpillée de la sorte, était que je ne pouvais pas être heureuse. Une partie de moi était toujours passée sous silence. La thérapie m'a aidée à mieux cerner mes difficultés, et à envisager de faire des efforts.

Ainsi, depuis hier soir, toute cette organisation judicieusement éprouvée durant des années se trouvait chamboulée. J'avais parlé de mes aventures — ou « plans culs » comme disait Dan — et un de mes amis allait rencontrer mon père lors de l'exposition la semaine prochaine. J'ouvrais petit à petit la porte pour que ma vie morcelée se rassemble. C'était excitant et effrayant à la fois.

Je pris bientôt la direction de Bloomingdale's pour retrouver Rory, sachant pertinemment que Chris serait en retard.