Chapitre XXIX

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Point de vue : Alys.

Comme dans un terrible cauchemar dont je ne pouvais m'échapper, je sortis de l'immense bureau de l'Empereur, son ultime phrase résonnant dans mon esprit. Les larmes s'étaient asséchées sur mes joues, et mes mains si crispées que mes jointures en blanchissaient, tenaient fermement les deux armes de Will. J'inspirai fortement et continuai mon chemin, gardant la tête haute malgré cette indescriptible douleur qui rongeait mon cœur.

Les hommes de la Garde me saluèrent à nouveau d'un mouvement fluide et presque naturel lorsque je repassai devant eux. La honte, accompagnée d'une nouvelle pulsion de rage à mon égard me poussa à leur rugir dessus :

"- Je vous hais !"

Je bondissais sur l'un d'eux, le mettant au sol. Mes poings cognèrent à répétition son masque avec une violence inouïe, presque mécaniquement, évacuant la douleur et la culpabilité qui régnaient dans mon esprit. Les verres, enchâssés au niveau des yeux sur le masque de l'homme, se brisèrent sous l'impact de mes coups, abîmant les yeux de l'homme et blessant mes mains par la même occasion. Je sentis soudainement deux paires de bras me tirer avec force vers l'arrière, m'éloignant de ma victime de l'instant présent. Furibonde, je me tournais afin de faire face aux deux autres hommes de la Garde qui avaient osé mettre fin à ce moment de folie. Tandis que je m'élançai vers eux, prête à en découdre, une autre personne me saisit, stoppant net mon élan. L'individu me frappa violemment le visage, ouvrant ma lèvre dans un torrent de sang, et sonnée, je ne pus que me laisser porter puis jeter à la porte de l'immense tour de verre de Thaddeus. Se penchant vers moi alors que j'étais à terre, l'un des membres de la Garde me flanqua un grand coup de pied dans l'estomac, me coupant le souffle. La bile me monta à la gorge tandis que j'étouffai un gémissement de douleur et me recroquevillai sur moi-même dans la boue.

Je relevai la tête avec difficulté, me permettant de constater que les hommes de la Garde s'éloignaient de moi. M'aidant de mes bras, je tentai de me remettre debout. Vacillante, je mis à marcher vers la ville d'une démarche mal-assurée, serrant les deux armes à feu de Will dans mes bras. Trébuchant sur les pavés crasseux, j'eus quelques difficultés à conserver mon équilibre déjà précaire. Du coin de l'œil, je vis que des hommes et des femmes aux habits noircis par le travail et la misère me fixaient. La culpabilité me frappa bien plus fortement que le pied de l'homme quelques minutes plus tôt : j'avais aidé l'un des pires êtres à mettre en place ce régime tyrannique, j'étais autant, si ce n'est plus, coupable que Thaddeus et cela me rongeait, me dévorait.

Je baissai mon regard, ne voulant croiser le leur. Je continuai ma progression vers la maison de Xavier, ne me doutant pas de ce que j'allais y découvrir. Rapidement, je sentis l'odeur âcre de la fumée mais c'est seulement lorsque je fus devant les ruines encore fumantes de la bâtisse et que les cendres, voletant telles des flocons, m'emplirent le nez que mon esprit sortit de sa torpeur. Mon cœur s'affola : étaient-ils tous en vie ? Mes yeux bicolores cherchaient furieusement une attache, un espoir parmi les restes de ce foyer où je m'étais vue rencontrer ces personnes qui étaient devenues si chères à mon cœur.

Non, non ! William !...

Je traversai la maison dévastée, la cendre se collant à ma peau déjà souillée de boue et de sang. De nouvelles larmes silencieuses et rares créèrent de fins sillons sur mes joues rendues grisâtres par la poussière de feu. Tandis que je marchais, mes pas soulevaient cette fine poudre d'un blanc cendré, seuls résidus de la plupart des constituants de cette maison, place centrale de cette nouvelle vie que l'on m'avait offerte. Mon poing frappa avec violence l'un des seuls morceaux de mur encore debout, créant un tourbillon de poussière grisée et abîmant un peu plus ma main déjà couverte de contusions.

BlackheartOù les histoires vivent. Découvrez maintenant