Blackheart

Chapitre XIX

Point de vue : Xavier

Perdu dans des questionnements auxquels je n'avais aucune réponse, le nez dans mon thé et à moitié prostré sur ma chaise : tel était le tableau que j'offrais à quiconque oserait rentrer dans la cuisine en cet instant. Je poussai un long soupir, posai ma tasse et remis mes lunettes sur mon nez lorsque je vis Will venir dans ma direction. Ce dernier s'arrêta à ma hauteur et me fixa sans rien dire.

"- Je suppose que tu veux que je te parle de l'expédition du Désert Mort et que tu as un tas de questions à ce sujet...

Will haussa un sourcil :

- Tu suppose bien. me confirma-t-il.

Un nouveau soupir m'échappa et je commençai à ouvrir la bouche dans le but de lui donner ces renseignements qu'il semblait tant attendre.

Mais avant que ne serait-ce qu'une ébauche de son ne sorte de ma bouche, Will se mit à pâlir d'une manière anormale et il perdit l'équilibre, se rattrapant de justesse à la table, lui évitant de chuter. Malgré cet effort, ses bras, comme tous ses autres membres, se mirent à trembler d'une manière incontrôlable, le forçant à relâcher le rebord de bois. Il s'écroula sur le sol, le corps parcouru de spasmes et les yeux rougis par la douleur.

Je me levai alors brusquement, accourant vers lui. Une fois à ses côtés, je le redressai dans une position assise, calant son dos contre le buffet. J'attendis quelques instants avec lui sans bouger le temps que la crise passe. Je détestais ces moments car je ne pouvais rien faire sauf patienter, sachant que rien ne pouvait le sortir de cet état, si ce n'est la patience.

Son teint reprit progressivement des couleurs et le tremblement de ses muscles commença à se calmer doucement. Voyant que son état s'était stabilisé, je me relevai et allai chercher de l'eau. Je fus rapidement de retour et m'agenouillai pour me mettre à sa hauteur tout en lui tendant le petit verre que j'avais rempli précédemment.

Will me prit ce dernier d'une main encore hésitante et en avala le contenu rapidement. Ceci fait, il entreprit de dégager de son visage ses cheveux que la sueur avait humidifié. Son regard, portant encore les stigmates de sa crise, fuyait le mien. Il tenta tant bien que mal de se remettre debout, mais à peine était-il sur pieds, qu'il chancela à nouveau. Je vins à sa rescousse, soutenant son bras et l'aidant à s'installer sur l'une des chaise qui entourait la table. Une fois cette mission accomplie (car il était plus lourd qu'il n'y paraissait mon bougre d'apprenti), je posai à mon tour mon fessier sur l'un des sièges de bois et regardai Will avec sérieux.

"- Ca a empiré n'est-ce pas ?

Il me regarda quelques instants, puis dit d'un ton neutre :

- Tu savais que Lady McGuire trouvait les tartelettes d'Estrella bien meilleures que les tiennes ?...

- Comment ?!? Elle a vraiment dit ça ?! Quel désabusement !...

Trop plongé dans mes réflexions de tartelettes (et dire que je pensais être le passé maître dans la confection de mini-tartes), je ne vis qu'au dernier moment que Will essayait de quitter aussi discrètement que possible la cuisine, ce qui était assez comique puisqu'il avait une démarche encore précaire. Diantre, ce scélérat avait tenté de détourner mon attention en parlant de tartelettes !

- Reviens là ! m'exclamai-je.

Il soupira imperceptiblement puis fit demi-tour, se rasseyant sur la chaise placée en face de moi.

- Donne-moi ton bras. lui demandai-je gravement.

Il me tendis la partie supérieure de son avant-bras, ce qui ne manqua pas de m'exaspérer.