Blackheart

Chapitre XXVII

Point de vue : 

Je perdis l'équilibre, le choc contre la terre ferme fut rude. Ma tête heurta violemment le sol poussiéreux me causant un immense mal de crâne. Du sang s'écoula de ma tempe, se mélangeant à mes cheveux et glissant le long de ma joue, poissant mon visage déjà trempé de sueur. Je clignais des yeux plusieurs fois, tentant de rendre ma vision plus nette. Mes sens étaient brouillés et la seule chose dont je pouvais être sûre était d'entendre le claquement de sabots s'éloignant au fur et à mesure de moi.

Il fallait que je me relève...

Il fallait que je me relève.

Il fallait que je me relève !

Rassemblant un semblant de force et de courage, j'essayais de rouler sur le côté. Ce simple mouvement créa en moi une affolante vague de souffrance, la tête me tournait furieusement également. Je pris une grande inspiration et fini par me pousser à l'aide de mes bras. Ces derniers, tremblants sous l'effort, étaient en piètre état : cousus de nombreuses égratignures plus ou moins douloureuses et bleuis par les chocs encaissés. En un instant qui me sembla infini, je parvins finalement à me remettre sur pied, équilibre précaire que le moindre souffle de vent aurait pu briser.

Je levai la tête et aveuglée par l'éclat du soleil, je plissai les yeux. C'est alors que je le vis au loin, tache blanche se confondant dans l'horizon si l'on n'y prêtait guère attention.

D'une démarche mal-assurée, je tentais de le rejoindre en dépit de mon corps et ma raison me hurlant de m'allonger sur le sol sableux et de ne plus en bouger.

Je n'écoutais que mon coeur.

Je me mis soudainement à courir comme si ma vie en dépendait, il fallait que je sache. Je trébuchai et tombai à nouveau, mais malgré mon corps endoloris, je me redressai encore une fois. Il fallait que j'arrive à mon but.

La fatigue et la souffrance me rattrapèrent brusquement, je sentis mes forces me faire défaut. Je me stoppai, mes jambes ne pouvaient me porter plus loin. C'est au moment où je me sentis partir que je perçu un souffle sur mon avant-bras. Je luttai contre l'inconscience qui semblait vouloir me cueuillir en son sein et relevai doucement la tête pour faire face à ce magnifique cheval blanc que j'avais déjà rencontré en rêve. Il était un pan de mon passé et sans que je ne sache réellement pourquoi, il me semblait que j'étais liée à ce noble animal.

Il se dressait devant moi, me fixant de ses grands yeux noisette qu'une étincelle d'intelligence rendait si vivants. Il portait un lourd harnachement composé d'une selle de cuir noire comportant un long pommeau ainsi que d'une bride de la même couleur, ornée de quelques gravures sur le cuir. L'immense épée que je m'étais vu porter en songe était rangée dans son fourreau et attachée par plusieurs lanières de cuir à sa selle. Aucune trace d'un sang rouge et âpre ne venait salir sa robe d'un blanc presque immaculé cette fois-ci, mais pourtant, il semblait nerveux pour une raison que j'ignorais. Il ne cessait de renâcler, ses sabots frappant violemment le sable et ses oreilles étaient plaquées sur sa tête. Je tendis ma main vers ses naseaux de velours mais à ce geste, il tenta de me mordre. Je cessai tout mouvement.

Un nom fusa soudainement dans mon esprit embué, héritage d'un passé inatteignable.

"Naos."

Au son de ma voix, le cheval se calma et s'approcha de moi. Il baissa sa tête, son regard plongé dans le mien.

"Naos est ton nom."

Un fort éclat parut dans ses yeux. Un sourire étira mes lèvres, et une puissante émotion prit possession de mon cœur : j'avais retrouvé mon compagnon de voyage, j'avais retrouvé celui qui m'avait offert pour la première fois la liberté.