Chapitre 8

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Chapitre 8.

Perséphone battit des cils, dérangée par les premiers rayons du soleil qui se posaient sur ses paupières closes. Elle ouvrit alors les yeux pour réaliser que c'était déjà le matin et que les oiseaux gazouillaient dans les arbres. Elle remarqua ensuite que son ami était toujours éveillé, assis sur le rebord de la charrette. La jeune fille comprit tout de suite ce qui c'était passé et fronça les sourcils :

— Tu m'as laissée dormir toute la nuit ! reprocha la jeune fille à Lawrence au petit matin. As-tu seulement fermé les yeux quelques minutes ?

Il chassa ses inquiétudes de sa main.

— Ne t'inquiète pas pour moi. Je tiendrai le coup.

Ils mangèrent chacun un fruit pour le petit-déjeuner.

— Ne nous attardons pas ici, lança Lawrence en jetant son cœur de pomme au loin.

Ils devaient encore traverser la ville, puis faire beaucoup de route sur les sinueux chemins de campagne avant d'atteindre Windsor.

Comme de fait, ils ne tardèrent pas à reprendre la route. Perséphone se cacha sous le capuchon de sa cape, mais elle avait l'impression que tout le monde la regardait et pouvait deviner qui elle était.

— Arrête-toi, Lawrence.

— Quoi ?

— La Gazette.

Un vendeur de journal se tenait sur le trottoir à quelques mètres d'eux.

— La famille Wood à deux doigts de la faillite ! La fille du Lord Wood est toujours en cavale avec l'écuyer. Serait-ce une histoire d'amour interdite et scandaleuse ? Son mariage avec le Lord Blackstone aurait pu effacer les dettes des Wood ! La fille du Lord Wood est une égoïste !

Elle rougit furieusement à l'idée d'être en cavale amoureuse avec son meilleur ami de toujours.

Perséphone arracha une copie de la Gazette au vendeur en échange de quelques pièces, puis s'indigna sur la une.

— Moi, une égoïste sans cœur !

— Ce ne sont que des ragots, tu sais comment sont les gens..., tenta de la rassurer Lawrence, n'y porte pas attention.

— Mon père est sur le point de tout perdre ! s'exclama-t-elle avec colère. Qu'est-ce qu'on peut faire ? Si je n'épouse pas Marcus... les terres, le manoir, tout ! C'est mon héritage, là où j'ai grandi...

Elle aurait voulu que ses enfants, puis ses petits-enfants puissent courir et chevaucher librement comme elle l'avait fait sur les vastes terres des Wood. Perséphone ne pouvait pas laisser les dettes de jeu de son père tout gâcher... Qu'en penserait sa mère ? Elle devait se retourner dans sa tombe.

— Tu ne m'avais pas dit que ton père croulait sous les dettes, lui reprocha Lawrence.

— Je ne voulais pas t'inquiéter...

Elle avait eu peur qu'il ne comprenne pas aussi, mais elle n'osa pas le lui dire.

— Tu sais que tu peux tout me dire pourtant.

Elle se souvint de ne pas lui avoir dit qu'elle avait rencontré Marcus le soir du bal ni de lui avoir révélé à quel point cette rencontre l'avait marquée et la façon dont elle avait été envoûtée par le regard magnétique du jeune Lord. Perséphone ne pouvait toujours pas s'expliquer pourquoi, mais elle avait senti qu'elle ne devait pas en parler à Lawrence.

La blonde secoua la tête.

— Nous devons faire demi-tour, supplia-t-elle sur un coup de tête, il nous faut rentrer et trouver une solution pour le manoir !

Si elle n'avait pas appris que Marcus était un dangereux Tenebris, elle aurait accepté de lui dire « oui » à l'autel pour sauver la demeure familiale. Ne pouvoir rien faire la rongeait de l'intérieur.

— Voyons, c'est insensé, Perséphone, Marcus nous tomberait dessus instantanément. Nous avons déjà parcouru plus de la moitié du chemin. Si tout se passe bien, demain, nous serons à Windsor. Nous pourrons demander à ma mère. Elle saura peut-être quoi faire. La Gazette exagère peut-être, tu sais comment ils sont... regard, ils imaginent que nous sommes deux amants maudits en cavale...

Les joues de Lawrence rosirent avec légèreté sur la dernière phrase et il détourna le regard pour ne pas croiser celui courroucé de la jeune fille.

— Je dois venir en aide à mon père ! protesta-t-elle. Je sais que c'est complètement fou, mais... c'est l'homme qui m'a adoptée et qui m'a traité comme sa fille, alors que nous ne partagions pas de lien du sang. C'est la moindre des choses... Il doit savoir que je vais bien. Il croit sans doute que je me suis enfuie ou – pire – que tu m'as kidnappée pour échapper au mariage ! Il m'a tout donné et il a sans doute l'image de moi d'une petite égoïste sans reconnaissance à présent... Mais tu n'as pas vu ta mère depuis des années, alors comment pourrais-tu comprendre !

Les mains de Lawrence se crispèrent sur les rennes des chevaux. Ses muscles se tendirent. Comment osait-elle parler ainsi de sa mère ? Que connaissait-elle de la relation qu'il entretenait avec elle ? Blessé, le brun durcit ses propos :

— Je dois te ramener à Windsor et assurer ta protection en tant que ton Gardien. Si tu laisses Marcus t'attraper, c'est tout ce monde que tu condamnes et alors, oui, tu seras une sale petite égoïste. C'est ce que tu veux ? Je ne peux pas laisser cela arriver, c'est mon devoir. Tu ne bougeras pas d'ici, Perséphone, et nous ne ferons pas demi-tour. Obéis ou je n'hésiterai pas à employer la force.

La jeune fille se tût, bouche-bée. Jamais encore Lawrence ne lui avait parlé sur ce ton. Il lui avait parlé comme le ferait son père, mais son ami d'enfance n'avait aucun droit sur elle et encore moins le droit de s'adresser à elle de cette façon. Écœurée, elle s'emmura dans son silence. Elle était une lady et une lady ne s'emportait pas en public. Elle tiendrait sa langue au moins jusqu'à la sortie de la ville et demeurerait fière. Il n'était pas question que Lawrence la trimballe pieds et poings liés. Elle avait pressenti que sa menace d'utiliser la force était sérieuse. Mais cela n'atténuait pas la colère qu'elle ressentait au fond d'elle. Son ami était-il donc insensible à ses préoccupations ? Les Wood avaient toujours été généreux avec lui qui n'était pourtant qu'un écuyer à leurs yeux.

— Allez, Perséphone, ne reste pas aussi silencieuse et ne fait pas la tête, lui dit Lawrence après un moment, tentant de se rattraper et d'alléger l'atmosphère malgré sa propre frustration.

Or, la jeune fille s'obstina à rester muette. Il valait mieux cela que de se laisser emporter par la colère. Elle garda la tête bien droite et le regard rivé sur le chemin, refusant d'adresser la parole à son ami pour le moment.

Lawrence soupira, mais n'ajouta rien, se contentant de faire avancer les chevaux. L'attitude de son amie ne changerait rien au bien fondé de sa mission ni à sa volonté de la mener à terme.

 L'attitude de son amie ne changerait rien au bien fondé de sa mission ni à sa volonté de la mener à terme

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