Au bas de son immeuble, je me demande ce qu'il m'a pris. A quel moment j'ose me pointer chez elle ? Sans prévenir en plus. Je vais me faire jeter en moins de temps qu'il ne faut pour le dire, je peux le parier. Le professionnalisme semble s'être envolé. Maintenant que je me suis déplacé, je ne vais certainement pas changer d'avis. Je m'engouffre dans le hall d'entrée miteux et délabré pour me retrouver face aux nombreuses sonnettes. Merde, ce détail n'avait pas percuté mes neurones. Si je reste bloqué à ce niveau-là, je ne vais pas aller loin, et ma mission va lamentablement échouer. Puis, j'aurais surtout l'air bien con. Je tourne en rond quelques instants à la recherche d'une solution quand le bruit de la clinche me fait réagir. Un couple d'étrangers sort et j'en profite pour me faufiler dans la cage d'escaliers qui n'a rien de rassurante. Sombre, avec la peinture qui s'écaille des murs et la dernière lumière qui clignote, c'est loin de se révéler accueillant. Je grimpe les marches quatre à quatre jusqu'à son étage, puis pars en quête de la bonne porte. Les noms inscrits sont en grande partie effacés par le temps, mais je devine le sien, le dernier appartement sur la droite. Ma langue passe sur mes lèvres avec une pointe d'appréhension tandis que je m'apprête à toquer. Lya est tigresse redoutable, la seule qui s'est aventurée à me gifler pour que je redescende. Et elle n'hésitera pas à réitérer l'expérience si elle le juge nécessaire. Des petits pas trépignent de l'autre côté, puis j'entends la clef qui s'insère dans la serrure. La seconde d'après, je me retrouve face à une gamine blonde pas plus haute que trois pommes, assez mignonne, je dois l'admettre. Elle fait toute petite pour son âge.
— Bonjour Clarisse, souris-je. Ta maman est là ?
— Maman, y a ton n'amoureux, déclare-t-elle sure d'elle avant de retourner s'installer à table pour achever son petit-déjeuner.
Bien envoyé. Je ricane amusé, en sachant pertinemment que Lya va bougonner lorsqu'elle comprendra que je suis ce fameux amant inventé par sa fille. Rien que d'imaginer la tête qu'elle va tirer, j'en rigole.
— Clarisse, je t'ai déjà répété que je n'avais pas d'amoureux, soupire Lya depuis une pièce voisine.
Quelle précieuse information, je ne risque pas de l'oublier. Mes prunelles balayent la pièce où tout semble vieux, à moitié pourri, à moitié réparé comme elle a pu.
— Tu sais quoi, Miss ? On va préparer le petit-dej' de ta maman. Elle boit quoi ?
— De l'eau ou du thé. La machine à café est cassée, m'avoue la petite, la bouche pleine.
Je soupire, sincèrement désolé. Personne ne devrait être privé de sa boisson énergisante le matin ; ça devrait être interdit. Je ne peux pas commencer ma journée sans. Enfin, si, théoriquement, je peux, mais je plains le premier qui s'adressera à moi et qui va se prendre ma mauvaise humeur en pleine figure. D'ailleurs, pour ma part, c'est celle de Lya que je dois supporter.
— Chérie, va dans ta chambre, s'il te plait !
— Mais... L'école ?
— Va la déposer, Lya. Je t'attends ici, la rassuré-je en m'asseyant sur une chaise, mon journal sorti de mon attaché-case.
Elle serre les poings, se mords la lèvre, puis secoue négativement la tête.
— Tu ne crois quand même pas que tu vas rester seul ici ?
— Et pourquoi pas ?
— Parce que tu es tout sauf digne de confiance ! me rappelle-t-elle presque acerbe.
— Eh bien, je t'accompagne alors, négocié-je.
Une lueur d'agacement traverse son visage, mais elle finit par accepter, affichant son mécontentement avec exagération. Une véritable comédienne. Nous prenons le chemin à trois. Je reste légèrement en recul pour ne pas intervenir dans leur bulle fusionnelle. Lya se montre aux petits soins pour sa fille qui lui rend bien. Les regards, les petites piques, les sourires taquins qu'elles se lancent continuellement m'attendrit. Si bien que je n'ose pas intervenir et me contente de les observer. Pour la première fois, je découvre le côté bien plus doux de Lya, celui qu'elle s'évertue à enfouir en présence d'autrui. Plongé dans mes pensées, je réalise que nous sommes arrivés lorsque Clarisse me tapote le bras pour me saluer. D'abord, surpris, je mets quelques instants à réagir, puis m'agenouille à sa hauteur.

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Seconde chance
RomansaSi Lya, mère célibataire de 27 ans, avait su que voler dans un magasin l'aurait remise sur le chemin d'Elias Evans, elle se serait abstenue. Maintenant que les dés sont lancés, elle va devoir composer avec. Mais seront-ils capables de collaborer en...