9. Lya

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— Mais Maman, si je dors chez Rose, je ne pourrais pas ouvrir la première case du calendrier de l'avent, se lamente Clarisse, alors que je prépare son sac pour la soirée, la nuit et la journée du lendemain.

— Tu l'ouvriras au soir avant de prendre ton bain, mais j'ai besoin d'une soirée avec Marraine et Tonton Lenny. Puis, toi, tu vas pouvoir faire la folle avec Rose, vous allez rigoler et tout.

— Tu ne vas pas me le voler ? me fait-t-elle promettre.

Je lui jure que ça n'arrivera pas, hilare, qu'elle puisse m'en croire capable. Certes, si elle n'était pas ma fille, ça aurait été le cas ; je ne peux pas refuser un carré de chocolat au lait, si doux et si fondant en bouche. Surtout qu'il s'agit d'un petit plaisir rayé de ma vie depuis plusieurs années déjà. Alors que je m'apprête à fermer le sac, Clarisse vient y glisser son doudou préféré qu'elle ne le prend presque plus depuis des années. Je lui souris et m'abaisse à sa hauteur.

— Tu ressens le besoin de le prendre, ma puce ? m'inquiété-je.

— Oui, je ne veux pas qu'il t'arrive quelque chose...

Ses prunelles humides se plongent dans les miennes, alors qu'elle frotte ses mains l'une contre l'autre.

— Il ne va rien m'arriver, la rassuré-je, en prenant son visage entre mes paumes. Pourquoi tu penses ça ?

— Bah... Tu as l'air d'avoir peur...

— Maman est un peu stressée, c'est vrai, mais je te promets que tout va bien se passer !

Inutile de lui cacher la vérité, mon corps parle à ma place. Je veux qu'elle se sente toujours en confiance pour me raconter ce qui la tracasse, ce qui ne va pas, alors je me dois d'en faire de même envers elle. Puis, un enfant comprend souvent bien plus que ce que nous pensons. Au fond, je pense qu'en tant qu'adulte nous le savons, mais refusons de l'admettre. Nos sacs respectifs prêts, nous nous armons de nos chaussures les plus chaudes ainsi que de nos gros manteaux. Il fait déjà bien froid pour début décembre et je crains que l'hiver se montre rude à affronter. J'espère que ni l'une ni l'autre ne tomberions malade. Je sais que la santé de Clarisse est de plus en plus fragile ce qui m'effraye d'avance. Je chasse mes pensées pour éviter que ma mine renfrognée inquiète ma fille. Main dans la main, tout le long du trajet, elle me raconte le programme qu'elles se sont prévues avec Rose. Je sens l'excitation qui l'anime sur le point de déborder, si bien qu'elle parle trop vite pour que je comprenne tout. Ce n'a que peu d'importance, j'arrive à une suivre une grande partie de ses plans et tant que ça la rend joyeuse, je le suis aussi. Demain soir, j'aurai droit aux récits de ces vingt-quatre heures sans moi qu'elle se fera un plaisir de me faire vivre.

— Je sonne, me prévient-elle en se précipitant sur le pas de la porte.

Clarisse sautille sur place. Quand sa copine lui ouvre, elles se foncent dessus l'une sur l'autre en rigolant. Et dire qu'elles se sont vues toute la journée à l'école...

— Bonjour Madame ! Encore merci de garder Clarisse, elle était impatiente de retrouver Rose en tout cas.

— Je vois ça. En tout cas, je suis contente que Rose ait une amie comme votre fille. Elle peut venir quand elle veut, vous savez ! Vous voulez rentrez boire quelque chose ? Un thé ? Un café ?

Je décline l'invitation ne voulant pas abuser de sa gentillesse. En plus, Lenny et Maddy m'attendent pour l'apéro. Et me changer les idées ! Je reprends la route à pied, seule, alors que la nuit commence à tomber. Je déteste marcher dans les rues lorsqu'il fait sombre. J'ai peur, peur qu'on m'agresse, qu'on me vole mes affaires, mon sac et le peu qu'il contient, qu'on s'en prenne à ma fille quand elle m'accompagne. Je fuis les petites rues comme la peste bien que je ne puisse pas toujours les éviter. Dans ces cas-là, je glisse une clef entre mes doigts et me dépêche pour atteindre ma destination. Heureusement, la maison de Maddy ne se trouve pas trop loin et en pressant le pas, j'y arrive rapidement. Enfin, un peu de chaleur.

Seconde chanceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant