6. Elias

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— Elias, viens m'aider ! m'appelle Maman depuis la cuisine.

Je termine mon verre de Whisky, sourie à ma sœur, Alba, ainsi qu'à mon père, puis la rejoins en tant que fils exemplaire. Une délicieuse odeur de gratin dauphinois s'échappe du four, alors que je me lèche les babines. Manger chez mes parents se révèlent toujours un véritable plaisir ; ma mère est un véritable cordon-bleu. Bon, il faut rester prudent parce qu'on a vite fait de prendre trois kilos sur la soirée. A croire que je ne me nourris pas seul dans mon appartement. Je ne cuisine, certes, pas vraiment, mais je mange. Le traiteur du coin est délicieux ! Alléché par la sauce aux champignons sur le feu, je me risque à y glisser un doigt, alors que ma mère est de dos, mais rien ne lui échappe et, un coup de spatule en bois s'abat avec fermeté sur ma main.

— Maman !

— Il me semble t'avoir demandé un coup de main, pas de vider mes casseroles. Tu attends d'être à table, enfin !

Je me ravise à retenter et, attrape le plat qu'elle me tend pour le poser sur la table en chêne. Entre temps, Alba et mon père se sont installés.

— Du vin, mon fils ?

Avec grand plaisir, j'accepte. Dire que j'ai dû attendre mes vingt-ans pour qu'il daigne m'en proposer. Difficile de voir son enfant commencer à boire, et à apprécier. Selon maman, ça lui a mit un coup de vieux. Les couverts s'entrechoquent contre les plats créant une douce mélodie, celle des repas de famille, de la bonne ambiance, et des retrouvailles. Les discussions vont de bon train entre l'un qui souhaite connaitre les nouvelles du cabinet, l'autre qui s'inquiète de l'état de mon appartement et la dernière qui espère que je lui annonce l'arrivée d'une quelconque demoiselle dans ma vie.

— Je ne comprends pas comment une jeune femme peut te résister, souffle Alba. Si tu n'étais pas mon frère.

— Elles ne résistent pas, rétorqué-je en lui tirant la langue. Moi, oui !

Autant ma mère que mon père secoue de la tête en me foudroyant du regard. Sans rien ajouter, je me reconcentre sur mon assiette et complimente ce repas, afin de faire oublier l'allusion à mes multiples conquêtes. J'ai toujours fonctionné ainsi, mais ce n'est pas pour autant qu'un jour, ils ont accepté que je ramène mes coups d'une nuit dans la demeure familiale. Dieu sait que je l'ai quand même fait et un bon nombre de fois. Les calculs sont simples : deux fois par semaine, si pas plus, pendant trois ans, nous arrivons à au moins cent cinquante-six filles. Sans oublier que durant les vacances, elles furent plus nombreuses... Je ne sais pas si, aujourd'hui, j'en suis fier, mais ça m'a forgé !

— Et toi, Alba, avec ton doctorant ?

— On y va doucement, à notre rythme, mais ça se passe bien. Nous passons de plus en plus de temps l'un chez l'autre, nous avoue-t-elle les joues rougissantes.

Pas étonnant qu'elle ait trouvé l'amour sur les bancs de l'école ; en plus d'être diaboliquement séduisante dans ses blazers, elle est intelligente, avec de la conversation et un brin d'humour parfaitement dosé. Elle peut débattre des heures sur la cuisson des pâtes, mais aussi sur des sujets bien plus complexes.

— Il viendra à Noël ?

— Je ne sais pas, Maman. J'en parlerais avec lui, mais il a aussi ses traditions familiales...

Moi, comme chaque année, je viendrai seul et, je repartirai seul. Pas de compagnie envisageable cette nuit-là... Alors que je racle le reste de sauce avec ma fourchette, mon portable vibre dans la poche arrière de mon pantalon. Je sursaute. Discrètement, je guette le destinataire. Lenny. Que peut-il bien me vouloir à cette heure-ci ? Jamais, il ne me téléphonerait en dehors des heures de bureau sans raison.

Seconde chanceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant