C'est le grand jour. Aujourd'hui, j'ai tout à prouver. C'est ma chance, la seule et l'unique, pour lui montrer que j'ai changé, que je suis devenu une meilleure version de moi-même. Pris par une nervosité qui m'est inconnue, j'ai passé la nuit à me tourner dans mon lit sans trouver le sommeil. J'ai l'impression de mettre ma propre vie en jeu. Et ce n'est peut-être pas qu'une simple impression. Lya m'offre la chance de me racheter pour le passé, je me dois de saisir cette opportunité. Si elle me file entre les doigts, je serai impardonnable. Mes pensées sont restées dirigées envers elle, tandis que je cherchais le sommeil, si bien que j'ai dû résister à l'envie de lui envoyer un nouveau message au réveil. Elle m'aurait tué. J'ai plutôt intérêt à me pointer en forme au risque de devoir affronter sa colère. Et ça ne sera pas le cas avant au moins un café supplémentaire du tribunal, bien qu'immonde. Ça ressemble davantage à du jus de chaussettes qu'à de la caféine. La prochaine fois, je me ferais un thermos. Si j'étais capable de m'en passer, jamais, au grand jamais, je ne boirais ce breuvage digne d'une mauvaise comédie. J'arpente ce sinistre couloir, ma boisson à la main, en me répétant mentalement ma plaidoirie. Je ne dois rien oublier, rien omettre. Mon plan est en béton, mais je sais qu'à la moindre défaillance, il peut être bousculé, renversé, démonté. Ces instants avant un procès m'ont toujours paru hors-norme. L'adrénaline se mélange à la peur de nos clients, à leurs angoisses. Des êtres qui, parfois, se détestent, parfois, ne se connaissent pas, se font faces dans le but de gagner. Certains gardent une considération envers leur adversaire, mais ce n'est pas une généralité. Loin de là. Je ne compte plus le nombre d'individus qui avaient pour seule vocation la victoire, prêts à tout pour y parvenir, quitte à se corrompre, mentir et tomber dans l'illégalité.
— Bonjour, Maitre Evans !
Que la partie commence ! Je reconnais cette voix entre toute, distante, mais chaleureuse. Je laisse mon sourire en coin s'exprimer, puis salue ma cliente d'une poignée de main. Lya se présente à moi plus séduisante que jamais. En dehors du bal de promo, je n'ai jamais eu l'occasion de la voir davantage préparée qu'ordinaire. Et mon dieu, quel dommage ! Entre ce chemisier blanc juste décolleté comme il faut, son blazer et son pantalon noir, je perds la tête.
— T'as vu un fantôme passer ? s'enquit-elle hilare alors qu'elle exerce une pression supplémentaire sur ma main.
— Non, me rabroué-je. Prête ?
Alors qu'elle hoche la tête, les lourdes portes de la salle d'audience s'ouvre devant nous, se vidant des deux parties qui s'opposent, de ceux venu en tant que spectateur. Le premier procès de la journée s'achève, laissant une personne soulagée, une autre débuter, tandis que notre bataille s'apprête à débuter. Seul le juge reste à sa place. A notre tour, nous rentrons et, pour la première fois, je rentre dans cette pièce avec celle qui aurait pu être mon adversaire, mais voilà qu'elle se retrouve coincée en tant que coupable. C'est bien un comble... Pourtant, j'aurais adoré qu'on se mesure l'un à l'autre, que la hargne entre nous soit mise au profit de nos clients. Cette image d'elle, habillée avec classe, la tête haute, sur le point d'en démordre sans jamais abandonner m'arrache un sourire. Je peux facilement imaginer la prestance qu'elle aurait eu. Je me glisse à ses côtés en chassant mes pensées, ce n'est pas le moment pour rêvasser. Elle me parait si fragile, pas à sa place. Elle n'est pas une délinquante et, encore moins, une criminelle.
— Qu'est-ce que je fais ici ? murmure-t-elle pour elle-même.
— Lya, ça va le faire, la rassuré-je. Je vais te sortir de là, je te rappelle que je tiens mes promesses.
Mes doigts frôlent son genou durant un laps de temps si court que je me demande si ce n'est pas un rêve. Mais la décharge électrique qui m'a parcouru est bien réelle, elle... Le raclement de gorge du juge me ramène à la réalité. Concentration, bordel ! Je reporte mon attention sur la défense que je dois mener. Lya est une cliente comme une autre, rien ne doit changer, rien ne doit paraitre dans les minutes qui suivent. J'ai encore moins le droit de me planter que d'ordinaire. Aucune alternative ne s'offre à moi, aujourd'hui. Je le dois à la société, mais surtout à Lya en espérant que ça redore notre passé, qu'on puisse ouvrir une nouvelle page loin de toute tension. Parce que, oui, je ne compte pas la sortir de ma vie une fois sa sentence assignée ! Une cliente comme une autre, n'est-ce pas ?
![](https://img.wattpad.com/cover/248764104-288-k51334.jpg)
VOUS LISEZ
Seconde chance
RomanceSi Lya, mère célibataire de 27 ans, avait su que voler dans un magasin l'aurait remise sur le chemin d'Elias Evans, elle se serait abstenue. Maintenant que les dés sont lancés, elle va devoir composer avec. Mais seront-ils capables de collaborer en...