- Madame Martins, je vous rappelle que vous avez le droit de garder le silence avant le début de l'interrogatoire ainsi qu'à un avocat de votre choix. Avez-vous besoin d'un téléphone, d'un bottin de contact ?
Cet air aussi froid qu'hautain me répugne. J'ai l'impression de le dégoûter dans ma veste en cuir noir, celle que j'ai reçue pour mes seize ans. Depuis, je ne l'ai jamais lâché, ce qui se voit : la fermeture-éclaire est cassée depuis des lustres, les coudes sont rayés et, les fonds des poches troués. Quant à ma mine creusée par la fatigue, elle ne doit pas me donner meilleure apparence.
- Puis-je contacter un proche ? Ma fille de huit ans finit les cours dans une heure ; quelqu'un doit aller la récupérer ! réclamé-je au policier qui m'avait arrêté, il y a près d'une demi-heure.
- Faites, mais ne trainez pas non plus ! me prévient-il avant de sortir de la salle d'interrogatoire.
L'instant d'après, je me retrouve seule, coincée entre ces quatre murs gris, avec pour unique mélodie le tic-tac de l'horloge. Je souffle, et m'empresse de composer le numéro de ma meilleure amie sur la vieille brique que me sert de téléphone. Si quelqu'un peut me sortir de ce bourbier, c'est bien elle, pour moi, mais surtout pour Clarisse. A cette pensée, je sens mon cœur rater un battement. J'agis pour ma fille, dans son intérêt et, voilà que l'inverse se produit. J'aurais dû m'arrêter avant, trouver une autre solution, accepter l'aide de Maddy, avant de m'enfoncer. Maintenant, il est trop tard. Plus les sonneries résonnent, plus mes poumons se vident d'air. Je ne sais ni ce que je ferais en absence de réponse, ni ce qui arrivera à Clarisse.
- Maddy ? Maddy ? m'alarmé-je, tandis que je n'entends plus rien au bout du fil.
- Lya, c'est Lenny. Qu'est-ce qui se passe ? Tu sembles essoufflée...
Putain.
- Passe-moi, Maddy ; c'est urgent !
- Elle est partie courir, mais elle a oublié son portable. Calme-toi, et dis-moi ce qui ne va pas...
Il ne sait rien de mon côté plus sombre, de mes déboires ou de mes mésaventures. Pourtant, je ne vois aucune autre issue que de lui avouer, alors qu'il travaille en tant que juge. Je ne sais pas comment il me verra par la suite, mais l'heure tourne ; l'horloge murale me le rappelle à chaque seconde. J'arrache la peau sur le bord de mon ongle, puis rassemble mon courage.
- Je suis au commissariat... Il faut que tu m'aides et que tu ailles chercher Clarisse. L'école finit dans cinquante-cinq minutes, s'il-te-plait, Lenny.
- Bon Dieu. Comment ça se fait ?
J'entends l'inquiétude dans sa voix. Néanmoins, ce serait trop compliqué, trop long et trop honteux à lui expliquer. Cette bataille, il faut que je la mène avec moi-même ; je suis la seule responsable de ce bourbier.
- Plus tard, abrégé-je, mais rien de grave, je te rassure. Peux-tu juste t'occuper de ma fille sans lui dire la vérité ?
- Très bien. Je t'envoie un avocat et, je mentirai à ta fille, mais uniquement parce qu'elle est encore petite, Lya !
Enfin, je respire. Demander de mentir à un homme si honnête était un pari osé. J'ai plutôt intérêt à le remercier comme il se doit dès que je sortirai d'ici. Je lui dois une fière chandelle. Mon rythme cardiaque se calme un peu. Il ne me reste plus qu'à attendre que mon avocat arrive et qu'il me sorte d'ici. Je pianote sur la table, tandis que je cogite. Comment ai-je pu en arriver à ce point de non-retour ? J'aimerais avoir le courage de revendiquer mon délit ; dans le fond, je sais pourquoi je suis allée jusqu'au bout de mon acte. Je regrette simplement de ne pas avoir trouvé d'alternatives moins périlleuses. Je masse mon poignet encore meurtri par la dureté des menottes qui m'ont entravée telle une vulgaire délinquante. L'agent les a serré si fort que ma peau reste marquée d'un étau rouge, formant presqu'un bracelet.

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Seconde chance
RomansaSi Lya, mère célibataire de 27 ans, avait su que voler dans un magasin l'aurait remise sur le chemin d'Elias Evans, elle se serait abstenue. Maintenant que les dés sont lancés, elle va devoir composer avec. Mais seront-ils capables de collaborer en...