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Je me redresse, me sentant mal. Mes jambes cèdent sous moi, et je sens mon dos frapper le carrelage glacé de la cuisine.

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J'ouvre les yeux, entendant des voix autour de moi. Mes prunelles s'habituent à mon environnement, et je remarque que je suis dans ma chambre. Mon attention se porte sur Mitch, qui est debout à côté de la porte. Ses traits sont fermés,sa mâchoire serrée.

"Mitch...
-Je sais, Énora.
-J'ai rêvé, pas vrai?

Il jette un coup d'oeil à ma droite, ce qui me fait tourner la tête. Je cligne plusieurs fois des yeux, ne m'attendant pas à voir madame Pavarotti. Elle lui sourit tristement. J'entends ses pas s'approcher, puis sa main se poser sur la mienne. Je le fixe, avant de me jeter dans ses bras, en sanglots.

-Je sais...
-C'est atroce... C'est injuste... Qui a fait ça?
-Des ennemis.
-Il ne pouvait pas mourir! Il devait voir sa petite-fille grandir! Lui apprendre à faire du vélo! L'emmener...
-Je sais, je sais.
-Et Scott...
-Quand il rentrera, il sera dévasté. Tu devras être là pour lui. Nous serons là.
-J'ai gâché votre soirée...
-Ce n'est rien. De toute façon je serais rentré en apprenant la nouvelle.
-Il faut vous reposer mademoiselle Delva, me conseille Madame Pavarotti.
-Je veux savoir quand rentrera Scott.
-Je ne sais pas. Personne ne sait.
-Comment vais-je lui annoncer pour notre fille après qu'il est perdu son père?
-Tu le sentiras quand ça sera le bon moment.
-Viens Mitch, on va la laisser se reposer pour la nuit, intervient ma gynécologue.
-Sophia passera te voir demain matin.
-Merci. Bonne soirée à vous deux."

Je souris brièvement, et regarde Mitch et madame Pavarotti sortir de ma chambre. Je pose mes mains à plat sur mon ventre, ferme les yeux puis respire grandement. Je suis exténuée...

Je fixe par la fenêtre la voiture de Joe partir. Il m'a promit d'aller au QG afin d'avoir des nouvelles de Scott et d'en demander à tous ses contacts. Je décide de descendre manger quelque chose, sentant ma faim se réveiller. Je croise sur le canapé Sophia et Matt, qui ne parlent pas. À la cuisine je retrouve Mitch, qui est sur son téléphone. Il lève les yeux vers moi, puis pose son portable.

"Joe vient de partir, si...
-J'ai vu par la fenêtre.
-D'accord.
-Tu parlais à qui sur ton portable?
-Maria.
-Maria?
-Pavarotti.
-Ma gynécologue?
-Arrête de dire ça, j'ai l'impression que tu instaure une distance entre elle et moi.
-Excuse-moi. Qu'est-ce qu'elle te dit?
-De prendre soin de toi, et de moi. Et qu'elle passera après son service me voir.
-Tu lui as parlé de nous? Enfin, du gang?
-Plus ou moins.
-Tu dois vraiment l'apprécier pour bafouer la règle numéro deux du gang.
-Ouais...
-Profite bien.
-C'est compliqué en ce moment.
-Je sais. Mais laisse la t'aider. On ne peut pas toujours tout garder pour soi, et lorsque l'on trouve une personne à l'écoute, il faut faire en sorte de la garder. Peut-être que tu tombera malgré toi amoureux, mais c'est un risque à prendre.
-Je risque de finir enceinte aussi? rit-il.
-Si tu suis trop mon exemple, oui.
-Je prends le risque alors.

Il me sourit chaleureusement, en m'aidant à m'installer sur ma chaise pour que je puisse manger. Je plonge mes yeux dans les siens.

-Vous n'avez toujours pas de nouvelles?
-Non. Mais je te tiens au courant dès que j'en ai.
-Même si elles sont mauvaises?
-Même si elles sont mauvaises.
-Où est la mère de Scott?
-Elle est partie ce matin. C'était en rapport avec Dany, mais je n'en sais pas plus.
-Je n'arrive toujours pas à y croire.
-Personne n'y arrive.
-Je savais qu'il ne fallait pas qu'ils partent. Je l'avais dit à Scott...
-On ne peut pas tout prévoir.
-Pas tout. Comment ça a pu arriver?
-Écoute, Énora. Il faut que tu arrêtes avec tout ça. C'est arrivé, c'est tout. Ne te torture pas avec ça. Scott nous en parlera quand il rentrera.
-S'il rentre.
-Il va rentrer.
-Je l'espère.
-J'en suis persuadé."

Mitch me sourit afin de me rassurer, puis me tapote l'épaule. Il sort ensuite de la cuisine, me laissant seule. Je finis de manger mes tartines, puis débarrasse. Je monte dans ma chambre. Mes yeux se posent sur la batte de base-ball appartenant à Scott, posée de son côté du lit. Il la garde toujours. La première fois que je l'ai vu, c'était à New Haven. New Haven... Ça remonte à longtemps, maintenant, quand j'y repense. Je souris en repensant à la première fois où j'ai vu Scott. Un frisson me parcourt le dos, lorsque je repense à la peur que j'avais de lui. J'ai eu peur de lui avant de l'aimer. C'est assez étrange. Jamais je n'aurais cru arriver là, où j'en suis aujourd'hui, lorsque nous nous sommes parlés la toute première fois. Il était si méprisant, et moi si hostile. Nous n'avions rien en commun. Personne n'aurait parié que presque deux ans plus tard, nous allions avoir un enfant ensemble. Personne. Même pas Sophia. Je m'avance vers la penderie, et prends un grand tee-shirt à Scott qu'il porte souvent. Celui que je préfère de tous, à dire vrai. Je retire mon jogging et mon tee-shirt trop court maintenant. J'enfile l'habit de Scott et inspire l'odeur si enivrante qu'il dégage. C'est comme s'il était avec moi. Je décroche du mur la peinture que j'avais offert à Scott à New Haven, après mon second enlèvement. Je m'assois sur le lit, me remémorant le jour où je l'avais commencé. J'étais dans mon bain, et il m'avait surpris. Il avait même dit que si je me levais pour récupérer la toile, ça allait faire beaucoup de nu pour la petite salle de bain. Je me rappelle aussi de la joie que j'avais lu dans ses yeux lorsque je lui ai offert. Il était si heureux que j'avais eu envie de l'embrasser. Ce tableau est la chose qui nous relit. Il me rappelle tant de souvenirs merveilleux. Et il me rappelle aussi le chemin que nous avons parcouru à deux, et jusqu'où nous sommes arrivés. Beaucoup de nos meilleurs moments, ou les découvertes les plus importantes, se sont passés dans une salle de bain. Petite salle de bain...

Monnaie d'échange (Tome 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant