-3-I-

88 12 41
                                    

Et elles se sont retrouvées à la pause.

Elles ont quitté le lycée et elles sont allées se promener.

Main dans la main.

Elles se sont embrassées aussi.

Mais elles ne voulaient pas le faire au lycée.

Maintenant, elles se serrent la main.

Elles ne veulent plus se lâcher.

Pourtant dans quelques semaines, après le Bac, Mei Li partira dans sa grande école de photo.

Loin

Très loin.

Et Justine, elle, restera dans le lycée.

Avec les autres.

C'est pour cela qu'elles veulent en profiter. Tous leurs moments ensemble sont des moments à ne jamais oublier.

Une relation éphémère. Toutes deux savent qu'elle aura une fin rapide.

Qu'elles ne se reverront sans doute jamais.
Alors, derrières les arbres, sur les bancs, elles parlent. Elles utilisent leur temps à se parler.

Elles se racontent leurs mots, leurs passions.

Justine aime le bleu pastel. Mei Li le vert. Justine aime l'écriture. Mei Li la photographie. Elles parlent des heures des histoires illustrées qu'elles pourraient faire à deux.

Et puis les examens ne sont pas loin.

Justine veut que Mei Li révise. Alors Mei Li révise. Elle révise, s'attelle à la tâche.

Et souvent, Justine l'aide.

Parfois, elle ne peut pas l'aider. Alors elle se contente de lui tenir la main en la regardant faire.

Elles révisent souvent dehors, parce que le temps est beau. Parce que les oiseaux forment des escadrilles dans le ciel, et qu'elles adorent ça toutes les deux.

Elles aiment la nature. Toutes les deux différemment.

Justine regarde la nature par les yeux de sa grand-mère. Ceux qu'elle lui a donnés, avec ses contes et ses légendes. La dernière chose qu'il lui reste d'elle.

Et Mei Li regarde la nature avec l'œil inépuisable de celle qui ne la quitterait pour rien au monde une fois dedans. Qui cherche l'angle parfait pour faire découvrir au monde les magnifiques secrets dont les arbres, les oiseaux, la mousse et les fleurs regorgent.

Et toutes les deux, comme un complément, regardent les vertes feuilles des arbres frémir. Puis elles se reconcentrent sur les blanches feuilles de révisions.

Toutes les deux, égoïstement, espèrent que Mei Li ne passera pas son Bac. Qu'elle restera une année de plus au lycée. Qu'elles pourront s'aimer.

Mais Mei Li est bonne élève. Elle aura de bons résultats au Bac. Parce que ça a toujours été comme ça, et aussi parce que Justine le lui demande.

Les jours passent et leur relation avance.

Mei Li est sur un nuage. Elle aimerait ne jamais sortir de cet endroit mystérieux qu'elle a découvert avec Justine. Ce monde remplit de magnificences dont Justine lui a ouvert la porte.

Elles goutent à la même pomme rouge, et s'embrassent sur les lèvres. Elles vivent dans la passion.

Mei Li n'est plus gênée quand elle croise Justine.

Et Justine ne ressent plus un pincement au cœur quand elle croise Mei Li.

Tout ça c'est fini, elles s'aiment maintenant.

Les jours passent.

L'examen se rapproche

1 mois...

Et elles savent toutes deux que leur relation touche à sa fin.

Mais pour l'instant, elles mangent des glaces, assisent dans l'herbe, à regarder le ciel.

A se parler de tout et de rien. Des derniers livres qu'elles ont lus, de leurs vies, de la beauté des fleurs.

Elles restent dans l'herbe comme ça. Elles sont bien.

Mei Li regarde Justine. Son corps petit, sa peau métissée, ses beaux yeux, ses cheveux crêpus... Elles se perd dans les courbes de Justine, et elle boit ses paroles.

Justine regarde Mei Li. Elle admire ses beaux yeux verts et s'y noie. Elle passe la main dans les cheveux courts de son amoureuse et l'embrasse sur les lèvres.

Elles sont bien, là dans l'herbe. Elles jouent la montre, profitant l'une de l'autre le plus possible, appréhendant le 4 juillet, date de leur séparation, sûrement définitive.

Elles s'oublient dans les arbres, roulent dans l'herbe, et, au grand désespoir de Mei Li, révisent. Mais l'épreuve passe plus rapidement lorsque sa main est tenue par Justine.

Justine, Justine, elle n'a plus aucune autre pensée en tête que ce qu'elles feront aujourd'hui, et demain. De quand est-ce qu'elles vont se retrouver.

Elles ne vivent plus l'une pour l'autre. Elles vivent pour se retrouver, et dormir, alors qu'elles sont loin de l'autre, est une torture. Elles se retournent chacune dans les lits de leurs chambres respectives, très éloignées, séparés de vingt kilomètres. Leur cœur se meure, et ne revit que lorsqu'elles se retrouvent.

Leurs mains se serrent, ne se lâchent que pour aller en cours, se retrouvent de brefs instants à l'intercours et se quittent à nouveau.

Elles sont bien, elles sont réunies, et pour l'instant c'est tout ce qui compte.

֎֎֎֎

Pour quelques instants entre ses brasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant