Les liens d'amour 3 - Laisse-moi

17 - Teagan

J'entendis bientôt ses larmes. Elle pleurait aussi silencieusement que possible. Mais c'était toujours dur à camoufler. J'avais conscience de lui avoir fait peur. Je ne l'avais pas fait volontairement. Ca avait été débile de me déshabiller devant elle. Elle qui a si peur des hommes depuis sa captivité.

Les mots de ce connard résonnèrent encore en moi. Je revoyais la honte sur le visage de Sloane. Sa peine et sa haine. Une haine dévastatrice. Je l'aurais bien laissé le tuer mais je savais que ça lui coutait de tuer une personne. Son humanité partait et elle ne ressentait plus rien. Ca aurait pu être le cas hier mais j'avais bien vu qu'elle était lumineuse. Elle n'était pas sombre comme elle le pensait.

Ses sanglots s'intensifièrent et je l'entendis renifler. Je me retournai et décidai d'agir. Tant pis si je lui faisais peur, ou si elle me frappait. Elle devait avoir un bon crochet du droit. J'allais braver la tempête.

J'entrai à moitié habillé dans la douche. Sloane releva immédiatement son visage vers moi. Elle était recroquevillée sur le sol, les jambes repliés contre son torse. Mes fringues se mouillèrent instantanément. Je m'agenouillai, et m'empêchai de la toucher. Ses cheveux encerclaient la moitié de son dos comme un rempart.

- Pars Teagan.

- Je vais t'aider, d'accord ? Je ne partirai pas tant que tu n'iras pas mieux.

Je pris un gant toilette, l'humidifiai et étalai du savon dessus. Je mis ma main dedans et commençai à la laver doucement. Elle se laissa faire, les yeux rivés sur le sol. Elle avait pleins de cicatrices. Plus encore maintenant qu'il y a quelques semaines. Mais ça montrait sa force.

Je frottai doucement sa peau, enlevant les gouttelettes de sang. Elle me laissa rincer son visage. Dans ses yeux, je notai la souffrance qui s'y trouvait. Milo était une ordure mais il ne lui ferait plus rien du tout de mon vivant. Tant que je serais là, plus personne ne la toucherait contre son gré.

- Je pensais que ça irait mieux en venant ici, murmura-t-elle soudainement.

Je posai le gant de toilette et m'assis à coté d'elle, le dos contre le mur. Elle était toujours prostrée, comme si elle avait peur que je puisse regarder son corps. Je la respectais bien trop pour la mater en ce moment.

- Ca ira mieux, lui dis-je.

Je n'osai pas la toucher. Elle était bien trop fragile là. J'avais bien raison de penser qu'elle était sur une corde raide. Les apparences étaient parfois trompeuses. Elle avait beau sourire, elle n'allait pas bien.

- Il faudra un peu plus de temps pour t'adapter et faire avec ton passé Sloane. Toute cette histoire te rendra plus forte que jamais. Ne doute jamais. Tu remonteras la pente. On est là pour toi. 

- Tu n'as pas à faire ça pour moi.

Elle me fixa profondément, des larmes encore aux coins des yeux. Elle essayait de me faire comprendre quelque chose. Je savais une chose. Une seule. Je n'allais pas l'abandonner maintenant. 

- Je le sais bien. Mais je l'ai décidé. Tu vas devoir apprendre à vivre avec ma meute et moi.

Elle ricana sous le jet d'eau. J'étais trempé mais c'était secondaire pour moi. Je me rapprochai un peu plus d'elle. Elle me laissa faire sans protester. Je posai une main sur son bras. Je ne savais pas trop comment consoler quelqu'un, surtout elle. Voyant qu'elle ne réagissait pas, j'entourai sa taille et elle se colla à moi. Son crâne vint s'agencer sous mon menton. Ses doigts s'agrippèrent à mon torse.

- Un jour, tu me raconteras ce que tu as vécu. Je serais là pour t'écouter.

Sloane acquiesça. On resta dans cette position de nombreuses minutes. Elle se détendit de secondes en secondes. Son odeur m'apaisa et me fis fermer les yeux. Elle sentait bon et elle avait un effet calmant sur moi. Entendre ce loup parler comme ça d'elle...m'avait fait pété un câble. En rien elle n'était une pute.

- Tu veux que je te lave les cheveux ? lui demandai-je.

Je la sentis hocher la tête contre mon torse. Je pris un shampoing quelconque et mis Sloane dos à moi pour m'occuper de sa chevelure. Je mis un peu de liquide dans mes mains et commençai à masser le cuir chevelu de la jeune femme. Ses épaules s'abaissèrent et elle soupira. Ensuite, je rinçai son crâne.

Je me relevai et lui tendis la main. Elle la regarda et n'hésita plus cette fois-ci. Elle la prit. Je la relevai et enroulai son corps dans un essuie pour qu'elle puisse se sécher. Voyant que mes vêtements dégoulinaient, elle se retourna pour me laisser me déshabiller. Je le fis rapidement et m'enroulai à mon tour dans une serviette que je mis autour de ma taille.

Je trouvai le sèche-cheveux dans le tiroir, le branchai et le donnai à Sloane pour qu'elle puisse s'occuper de ses cheveux. Ils étaient longs. Ils lui arrivaient à la moitié de son dos. Ils étaient aussi sombres que la nuit. Cela faisait ressortir ses yeux bleus qui m'avait tant fasciné la première fois. Elle les sécha rapidement.

- Je vais te prêter des vêtements à moi, l'avertis-je.

J'en pris quelque un dans mon armoire et revins dans la salle de bain pour lui donner. Elle me remercia, l'air remise d'aplomb. Je la laissai seule pour m'habiller à mon tour. Il ne fallait pas trop que je la bouscule.

J'étais habillé depuis un petit temps quand Sloane me rejoignit dans le jardin. Je m'étais assis à même le sol, et regardai la forêt. La louve posa ses fesses à coté de moi suffisamment près pour que je sente l'odeur du shampoing et du savon sur sa peau. Je tournai la tête vers elle et notai qu'elle avait une expression plus posée. Elle croisa ses jambes en indienne et me sourit en voyant que je la regardais. 

- Tu travailles demain ?

- Oui mais c'est une petite journée. Quand ce seront les vacances, je retournerai voir mes parents.

Je retins une grimace. Elle allait avoir une surprise de taille en allant là-bas. Je devrais l'accompagner. Cela risque d'être dangereux pour elle, si sa sœur décidait soudainement qu'elle est une menace et qu'il fallait la supprimer. Les parents de Sloane ne pourront rien y faire contre une telle décision.

- Tu veux mon portable pour téléphoner à Haley ? lui proposai-je.

Haley s'inquiétait énormément pour sa protégée. Si elle avait pu venir, elle l'aurait fait. Cette louve avait une grande âme. Elle s'occupait de tout le monde. Voilà pourquoi beaucoup l'appréciait même si elle était humaine en partie. Elle n'était pas faible pour autant et elle avait suscité le respect.

- Oui, merci.

Elle le prit et s'éloigna plus loin. Elle discuta beaucoup et longtemps. Elle faisait les cent pas dans mon jardin, se mordillant les ongles. Elle devait rassurer la louve. Cela prit un certain temps. Quand elle raccrocha, Sloane revint s'asseoir près de moi et me rendit mon téléphone.

- Ca été ?

Je n'avais pas voulu écouter ce qu'elle avait dit, même si par moment, je n'avais été capable de me soustraire à sa voix.

- Plutôt bien. Elle était inquiète mais j'ai su la rassurer. Elle aimerait que je vienne la voir.

- Tu le veux ?

Elle n'avait pas l'air de savoir ce qui était le mieux pour elle, en ce moment. Aller voir Haley était sage. Mais...si elle disait de retourner dans sa propre meute, elle déclencherait quelque chose de mauvais. Je devais veiller sur elle, quoiqu'il m'en coute.

- Je ne sais plus, répondit-elle.

Elle enserrait encore ses genoux de ses bras. Je posai dans son dos et fis des mouvements circulaires. Mon geste l'apaisa encore une fois. Elle devenait de plus en plus réceptive à mon toucher. Cela aurait du me faire peur, me faire reculer en sachant qu'elle s'accrochait de plus en plus à moi. Et moi aussi. Je ne pourrai plus me passer d'elle. Son bonheur et sa sécurité étaient ce que je souhaitais le plus pour elle.

- Tu veux qu'on sorte ce soir ?

Je ne savais pas ce qui m'avait pris de lui demander ça, alors qu'elle n'allait pas bien. Elle releva ses yeux bleus vers moi et hocha la tête.

- Je vais un peu rentrer chez moi Teagan.

J'acquiesçai. Bien évidemment. Elle avait besoin de retrouver ses affaires. Je me relevai plus vite qu'elle et lui tendis la main pour l'aider. Plus aucune hésitation. Elle la prit et je la ramenai jusqu'à sa porte. Elle ne m'invita pas à entrer.

- Merci pour tout, Teagan. A ce soir.

Elle me sourit timidement et referma la porte.