Chapitre 17

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/!\ Le chapitre qui suit cet avertissement comprend un contenu explicite, une scène à caractère sexuel. Si vous êtes susceptible d'être choqué, que vous êtes trop jeune, je vous conseille de poursuivre votre lecture au chapitre suivant. Pour les autres, je vous souhaite un agréable moment de lecture. /!\

« Aimer est le plus grand point, qu'importe la maîtresse ?

Qu'importe le flacon pourvu qu'on ait l'ivresse. »

-Alfred de Musset


Héliodore crut se consumer au contact de Sorel. Un contact qui se fit moins timoré, plus affirmé et, surtout, plus indécent. Le comédien ne possédait ni la timidité ni l'inexpérience de son amant et dirigeait cette danse sensuelle avec une aisance majestueuse.

Ses doigts retracèrent les contours du visage du noble avec une douceur fébrile qui trahissait son impatience. Son pouce s'attarda sur le grain de beauté qu'Héliodore possédait au coin de la lèvre. Un détail que celui-ci trouvait particulièrement disgracieux.

— N'y touchez pas, je sais que ce n'est pas des plus esthétiques.

— Vous devriez dire à votre conscience de se taire.

Si seulement Héliodore savait comment. Il était un esprit logique en toute circonstance et seule la rudesse de ses sentiments parvenait à le libérer des entraves de la raison. Il représentait à lui seul le combat des sentiments contre cette même raison, un combat mené par les romantiques pour rendre sa gloire à l'humanité et aux arts.

— Ce détail est précisément ce qui vous rend superbe.

Le cœur d'Héliodore manqua un battement et une expression de franche stupéfaction échappa au masque de neutralité qu'il s'imposait en toute circonstance. Superbe ? Il peinait à supporter son reflet dans le miroir et y était parvenu qu'au terme de longues années d'existence. Il avait été l'adolescent grand et fin qui tentait de dissimuler ce corps dans la masse sans jamais y parvenir. Cet adolescent qui réussit, petit à petit, à apprivoiser l'image d'un corps changeant et la dureté des exigences d'une mère qui retirait le privilège de s'interroger sur la nature de ces bouleversements. Il avait un adolescent, un adulte en devenir, qui aurait pu être davantage qu'un pantin sous les ordres de sa génitrice et il découvrait, sans vraiment le comprendre, qu'il était capable d'être bien plus que cela.

Sorel lui retira les lunettes avant de constater, sur un ton volontairement badin et joueur :

— Vous n'êtes pas habitué aux compliments. N'est-ce pas quelque chose de... commun, par chez vous ?

— Non, pas précisément. Un reproche m'aurait été moins... exaltant qu'un compliment.

Il déglutit sous l'intensité du regard de Sorel. Deux orbes gris chauffé à blanc comme du métal à la chaleur incandescente. Cette fois encore, Héliodore craignit de se brûler.

— Je ne suis pas habitué à en dispenser non plus, compléta-t-il, dans l'espoir de reprendre une ébauche de contrôle sur la conversation et avant que son amant le plonge à nouveau dans la tourmente.

— Je ne vous demande pas de revenir sur vos habitudes.

— Je n'en ai nul besoin et je ne serai certainement pas le premier à vous dire que superbe, vous l'êtes, mille fois.

— Il y a des bouches desquels on aime l'entendre.

Sorel était si proche qu'Héliodore ne pouvait détacher ses yeux de ces détails envoutants. Le grain de peau parfait, l'odeur typiquement masculine et étrangement aphrodisiaque de son épiderme, ses cils blonds qui renversaient sous sa paupière une ombre délectable, ses cheveux d'or qui roulaient sur son front. Cette fois encore, Sorel était plus muse que mortel, plus onirique que réel.

La vie nous manqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant