Chapitre 31

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[Voici Constance telle que je me l'imagine :))

Petit avertissement également concernant le début du chapitre qui comporte une scène à caractère sexuel. Elle est moins explicite que les deux précédentes, mais si vraiment vous n'êtes pas à l'aise avec ce genre de contenu, je vous suggère de poursuivre avec la deuxième partie du chapitre]

« Tu me crois la marée et je suis le déluge. »

-Victor Hugo


Sorel entraîna Héliodore dans son sillage et ils traversèrent ensemble les couloirs plongés dans la pénombre de la grande résidence. Sorel s'y repéra sans mal et, bientôt, Héliodore accueillit la caresse de la nuit sur sa peau dénudée. Il était bien trop peu couvert, mais sa saison était chaude, douce, même après le déclin du soleil et le jeune homme goûta à cette saveur particulière. Sa peau était encore ivre de sensation et la nuit odorante le ravit.

Sorel n'était pas en reste. Immobile sur le seuil de la demeure, il contemplait la nuit, si vaste, si imprenable. Il avait le sentiment d'en être le spectateur privilégié et d'attraper entre ses mains un instant d'une touchante rareté. Comme souvent, son cœur lui parut plein, prêt à laisser déborder des masses d'émotions indistinctes et si farouches qu'elles auraient pu le consumer. Sorel semblait plus inatteignable parce qu'il avait appris à s'en défaire, à couvrir ses traits fins d'un masque de circonstance, mais il n'en était pas plus vulnérable. Héliodore le comprit au frisson qui traversa sa peau nue, il sut ce que Sorel ne s'avouait pas et qui rendait son existence si vive, il sut à quel point cet homme était à la fois le plus fort et le plus faible des deux.

Il était tout à la fois.

Ils ne s'arrachèrent à ce spectacle au terme d'un long moment. Après avoir apprivoisé la nuit, ils s'y plongèrent. Les étoiles se répandaient en myriades éclatantes dans le ciel, lointaines et proches à la fois et alors que les pas d'Héliodore écorchaient le sol, il ne parvenait pas à quitter des yeux leur promesse d'infini. Ses pieds se meurtrissaient contre les graviers, mais Sorel pressait encore le pas, empressé et avide, et Héliodore ne se plaignit pas. Le comédien ne s'arrêta que lorsqu'ils parvinrent au point d'eau, une petite marre qui n'avait pour fonction que son esthétisme. Héliodore se garda de contredire les goûts de sa mère, surtout à présent que la nuit se mirait dans sa surface sombre.

— Sorel, l'interpella-t-il, d'une voix à peine audible.

L'intéressé ne répondit pas, mais sa main se referma plus fermement sur celle d'Héliodore.

— Pourquoi souhaitiez-vous...

— La nuit ici n'est pas la même.

Sorel avait presque l'air grave, soudain. Il se gavait de ces visions enchanteresses, de cette nuit qui régnait en maître et qui lui paraissait immortelle. Il se sentait privilégié de pouvoir s'y inviter ainsi.

— À Paris, la nuit est différente.

Il se laissa choir sur l'herbe tendre et Héliodore l'imita avec sans doute plus de méfiance. Seuls, silencieux, face aux étoiles, il y avait une sorte de solennité qui s'étendait entre eux. Finalement, Sorel rompit le calme qui s'était immiscé et qui offrait un contraste tranchant avec l'ardeur qu'ils avaient partagée quelques minutes plus tôt :

— Je tenais à vous remercier. Je ne crois pas l'avoir déjà fait.

— Pourquoi ?

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