Chapitre 7

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[Dernières ébauches pour Héliodore, ces recherches sont approximatives et ne se veulent pas sans défauts. Ce sont des crayonnés plus ou moins rapides et je trouvais sympathique l'idée de partager les coulisses :)]


« Tu me crois la marée et je suis le déluge. »

-Victor Hugo


Le silence qui s'installa saisit Héliodore comme Sorel. Un silence épais qui se gava de leur incompréhension. Un monde les séparait le jour, mais qu'en serait-il de la nuit ? Le jeune noble s'empara de l'occasion, certain que la laisser lui échapper une fois, c'était se condamner à une errance détestable à présent qu'il avait cédé à l'impétuosité de ses désirs. Il se trouvait là, dans ce théâtre qui n'égalerait jamais les grandes salles parisiennes, à implorer l'attention de ce bohémien.

Pourtant, malgré l'humiliation que la situation aurait dû lui procurer, Héliodore se sentit forcer de préciser, d'une voix où sommeillait une attente colossale :

— Votre vrai nom.

Le mutisme de Sorel avait des airs de provocation et le riche héritier y voyait déjà naître un refus évident, le même que la veille. Pourtant, les lèvres scellées du comédien représentaient un signe de conflit, de dilemme. L'envie de céder, de s'accorder cette faiblesse, était grande, mais une part de l'homme, sans doute la plus rationnelle, se révoltait toujours. De l'autre part, les émotions réclamaient leur dû et, à la proximité tout à fait décente d'Héliodore, elles s'emballaient. Il rétorqua, d'une voix rendue étrangement grave :

— Pourquoi tenez-vous tant à ce que je vous le donne ? Je ne suis qu'un vulgaire comédien et je n'ai qu'à jeter un œil à vos habits pour réaliser que vous et moi, nous ne venons pas du même monde.

— Pourquoi me le refuser ? Par esprit de contradiction ?

Cela sonna comme un reproche dans la bouche d'Héliodore, un reproche teinté d'un soupçon de désespoir. Il avait imaginé ces instants durant des heures, alors que les minutes refusaient catégoriquement de s'écouler et que le jour n'en finissait pas de régner. Désormais qu'il touchait du bout des doigts ce qui l'avait frustré tout au long de la journée, on lui refusait le privilège de goûter une part minime de ce fruit défendu. Héliodore faillit sourire à la formulation hasardeuse de cette image chrétienne. Cet inconnu représentait le péché, ce fruit juteux qu'on lui interdisait de goûter et qui l'attirait plus que toutes les richesses du monde. Cela se révélait bien extrême, sans la moindre mesure ou sans la retenue en lien avec son rang, mais ces sentiments puissants ravageaient ce qu'il avait toujours pensé vide, infertile en lui. Un cœur qui battait avec plus de ferveur que jamais.

— Sans doute et probablement aussi parce que je ne vous dois rien. J'en ai assez de me plier aux désirs de gens comme vous. Ici, sur scène, ce n'est plus vous qui crachez votre mépris aux gens de rien que nous sommes, vous nous admirez. Comme un divertissement, certes, mais une fois que nous avons quitté ce rôle, plus rien ne vous intéresse. Vous seriez déçu si vous connaissiez la personne que je suis, si vous saviez qui se cache derrière le grand Don Carlos.

Héliodore avança d'un pas, puis d'un second. Il conservait une distance respectueuse et prudente, autant pour lui que pour son interlocuteur. Celui-ci avait remarqué la manière négligée avec laquelle il portait sa redingote ou sa chemise en soie froissée. Héliodore rétorqua, à mi-voix, dans un éclat de fierté déracinée :

La vie nous manqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant