Chapitre 29

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[Je vous présente le visage de Constance et son design final. Celui qui satisfait plus ou moins ce que j'imagine du personnage. En espérant qu'elle vous plaira !]

« La vraie mélancolie,

c'est quand la vie vous manque alors que vous l'avez encore. »

-Jacques Dor.


Alcidie prit une profonde inspiration lorsqu'elle quitta la grande bâtisse. L'endroit ne payait pas de mine, il était situé dans une rue quelconque d'un Paris modeste. Ce n'était pas encore les bas-fonds, les lieux les plus malfamés dans lesquels il serait dangereux de s'égarer, mais l'un de ces endroits quelconques dans lequel la misère était quotidienne. En d'autres termes, il s'agissait d'un endroit propice au rassemblement de révolutionnaires.

Alcidie s'en était mêlée. Après quelques années à nouer des contacts étroits avec des personnes influentes malgré leur petit gabarit, des malheureux dont l'Histoire ne retiendrait pas le nom, mais qui possédaient un certain poids, elle avait fini par comprendre comment fonctionnait les choses. Elle savait vers qui se tourner, elle savait vers qui se tourner et, surtout, qui fuir. Lorsqu'elle avait senti que le vent tournait, elle avait su qu'il était temps pour elle d'agir. Elle refusait de demeurer dans l'ombre et d'attendre que les faits s'écrivent d'eux-mêmes. Elle voulait faire corps avec ce mouvement, avec cette foule qui braillerait bientôt jusque dans les rues. C'était imminent, Alcidie le savait et les affres d'une révolution se préparaient dans l'ombre.

Le peuple mécontent prendrait les armes une deuxième fois, enivré par le souvenir des libertés volées. La presse muselée se déchaînait depuis des jours et depuis Saint-Cloud, Charles X était impuissant. Ses ministres tentaient en vain de trouver une solution, de se débattre entre les élections, la pression populaire, les opposants politiques avides qui voyaient déjà dans la confusion une occasion rêvée de s'emparer du pouvoir. Les Bourbons se mouraient, mais Louis-Philippe, issu d'une branche cadette de la dynastie régnante, se faisait la figure du peuple. L'agitation était partout, dans les cœurs des plus fortunés comme des plus miséreux, elle était autant ministérielle que parlementaire, et il n'y avait qu'une seule issue à cela. Le peuple n'attendait que le pas de trop, que l'offense qui entraînerait le chaos. Alcidie savait qu'il était imminent et les groupes politiques, plus ou moins récents, bouillonnaient. La colère était générale et la jeune femme ne se berçait pas d'illusions. Les nobles craignaient une répétition de ce qu'il s'était produit en 1789, une violence déchaînée qui les viserait eux, en particulier, et une part des sujets du roi ne voulaient déjà plus de ce régime. Ils étaient nostalgiques. Nostalgiques de l'ère des libertés et qu'ils veuillent la République ou encore le retour de l'empire abandonné quinze ans plus tôt, cette nostalgique n'avait rien de douce, d'amère à l'image de celle des romantiques. Au contraire, elle était violente, douloureuse, sourde. Sanglante.

Alcidie frémit dans l'air pourtant étouffant de la capitale. Il y avait quelque chose prisonnier dans l'atmosphère. Une sorte de tension, de fébrilité qui ne s'expliquait pas. Elle-même ne cherchait pas à démêler les raisons politiques, elle s'en détachait, et peu lui importait le changement dans le gouvernement de Charles X. L'arrivée de Jules de Polignac en avait indigné plus d'un et le raidissement du pouvoir qui avait suivi sa venue n'y était pas étranger. Le tableau n'était pas si caricatural, les subtilités étaient nombreuses et obscurcissaient l'ensemble. Le climat politique était électrique depuis le début de l'année 1830, l'opposition se saisissait de chaque raté, de chaque maladresse des ministres pour contre-attaquer. Ils accusaient Charles X d'une tentative de coup de force constitutionnel et à cela s'ajoutait des nuances infimes pour le peuple qui ne faisait qu'en subir les conséquences. Alcidie savait seulement que le ministère du roi se trouvait dans une impasse et qu'une décision profonde de sa part ne tarderait pas à s'imposer. Le pire était à venir après les restrictions et le durcissement des derniers mois. La moindre étincelle suffirait à consumer la capitale déjà fuie par le roi et sa famille. Il était même fort probable que les premières émeutes n'éclatent avant une manifestation de Charles X et, alors que le mois de juillet 1830 touchait à sa fin, l'incertitude menait à la défiance.

La vie nous manqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant