ACTE I - Scène 6

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Vendredi 09 Octobre, 20 : 34

<Sunflower ~ Post Malone, Swae Lee>

« Hey ! T'es venue ! »

J'ai à peine le temps de me tourner vers la personne qui a crié cette phrase que deux bras m'entourent chaleureusement et une tête s'enfouit dans mon cou. En reconnaissant l'épaisse chevelure blanche d'Edward, un sourire se dessine sur mes lèvres pleines et j'attrape la taille de mon ami, le serrant contre moi en retour. Edward n'est pas du tout du genre câlin, mais aujourd'hui, ayant conscience que je vais mal, il fait l'effort de se montrer plus affectueux que d'habitude. J'apprécie cette attention.

« Fait gaffe, je le préviens avec humour, je suis peut-être encore malade, qui sait ! »

Je n'ai pas terminé ma phrase qu'il me prend par les épaules pour m'éloigner brutalement de lui, une moue dégoûtée sur le visage. Sa réaction m'arrache un éclat de rire, et finalement, Edward finit par rire aussi.

« Ça va mieux ? » M'interroge t-il.

Je sais que cette question est à double sens, qu'il ne parle pas uniquement de mon gros rhume, mais je ne veux pas vraiment parler de mon état d'esprit maintenant, alors je me contente d'un haussement d'épaules auquel Edward répond par une mine sceptique. Je ne suis pas revenue au lycée, ni mercredi, ni jeudi, ni vendredi, mais pourtant, je ne me sentais plus si malade que ça, mais je me suis tout de même forcée à aller au théâtre : toute la bande, sur notre groupe WhatsApp, m'avait fait promettre six fois d'y venir. Étrangement, ça ne m'avait pas demandé tellement d'efforts, et je suis heureuse de revoir leurs petites têtes, alors que la simple pensée de retourner au lycée me retourne le ventre. J'ignore si je refuse d'y aller parce que je me sens encore malade ou parce que je n'ai aucune envie d'y croiser une certaine personne, mais me poser cette question fait jaillir en moi des tas de réponses qui m'effraient plus qu'elles ne m'éclairent, alors j'ai choisi, ces derniers jours, de prendre mes décisions à l'instinct, sans vraiment réfléchir. Je n'avais pas envie de retourner au lycée ? Très bien, je n'y vais pas. Assister à mes séances de théâtre et revoir le groupe me semblait un bon moyen de me détendre et de m'amuser ? Super, allons-y ! Pourtant, je sais que cette nouvelle manière plutôt agréable de prendre des décisions n'allait pas durer longtemps : dès lundi, malgré mes plus réalistes et théâtrales expressions de douleur construites minutieusement à chaque fois qu'ils entrent dans ma chambre, mes parents m'obligeront à retourner en cours, pour mon plus grand malheur.

« Beth ! »

J'écarquille légèrement mes yeux verts, reconnaissant la voix aiguë de la personne que j'ai regardé grandir ces trois dernières années. Un petit corps se projette contre le mien et je bascule en arrière sous le poids de la fillette, qui se met à rire aux éclats lorsque je la rattrape de justesse. Comme dans un réflexe, la demoiselle pose ses petites mains potelées sur mon visage pour le tirer dans tous les sens comme de la pâte à modeler, gazouillant et gloussant davantage à chacune de mes grimaces de souffrance, puis se met à jouer avec mes boucles.

« Fizzie ! Je m'exclame joyeusement tandis qu'elle applaudit en entendant son nom. Qu'est ce que tu as poussé ! Je ne t'ai pas vu depuis l'année dernière, tu m'as manqué !

- J'ai beaucoup grandi, renchérit la petite fille en hochant la tête, toute fière. Papa dit que j'ai pris dix-sept centimètres. »

En affirmant cela, Félicité (dite Fizzie) compte sur ses doigts avec un sérieux qui m'arrache un rire de bonheur. Qu'est ce qu'elle m'a manqué, ce petit bout de chou ! En la portant, j'examine son visage chérubin, et remarque qu'elle porte une magnifique tresse épi de blé qui se déploie le long de son dos.

Le Théâtre Du CœurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant