ACTE III - Scène 22

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Samedi 05 Décembre, 17 : 13

<Seretonin ~ girl in red>

Je descends les marches de mon immeuble à toute vitesse, mes écouteurs incrustés dans mes oreilles. C'est aujourd'hui qu'Iris et moi allons ensemble au cinéma pour visionner le neuvième volet de la saga Star Wars, qui est sorti au cinéma ce mercredi, et, comme d'habitude, je suis en retard ! J'ignore si le film répondra à mes attentes – pourtant, à ce niveau-là, je n'en ai plus tellement – mais je serais avec Iris et c'est tout ce qui m'importe. J'ai passé l'entièreté de la semaine à penser à deux choses et deux choses seulement : Edward et le cinéma avec Iris.

Comme la mammectomie de mon meilleur ami s'est parfaitement déroulée, il est sorti de l'hôpital lundi soir, après avoir effectué quelques tests et fait son bilan d'après-opération avec le Docteur Scott. J'ai donc passé tout le dimanche avec lui, à regarder des films, faire des jeux de société ou simplement bavarder de nos vies, et je lui ai par ailleurs avoué la proposition d'Iris, que j'avais acceptée. Bien sûr, il n'a pas arrêté de me taquiner à ce propos de la journée. Hamid était également présent, et je l'ai parfois laissé discuter en seul à seul avec Edward, même si j'avais du mal à me séparer de lui, surtout au début. Lorsque je revenais le voir, je l'harcelais pour connaître tous les détails de leur discussion, mais l'ado aux cheveux de neige refusait de me dire quoi que ce soit. Néanmoins, l'immense sourire éclairant son visage trahissait ses sentiments. Je me contentais de cela : après tout, savoir qu'Hamid rendait Edward heureux me suffisait largement...

Ca été dur de ne pas le visiter lundi, puisque je devais aller au lycée, mais je me suis précipitée à l'hôpital de Saint-Valère dès mes cours terminés pour aller le chercher et le raccompagner chez lui avec ses parents. Mardi, au théâtre, Adam a ouvert une bouteille de Champomy (en temps que prof responsable d'une troupe majoritairement mineure, il n'a pas le droit de nous offrir de l'alcool, loi oblige) pour fêter l'opération d'Edward, comme il n'avait pas pu être là pour le soutenir samedi. Nous n'avons pas joué de la soirée, buvant et bavardant durant toute l'heure et demie. En voyant Edward sourire à tout va, plus épanoui et heureux que jamais, j'ai failli refondre en larmes, mais je me suis retenue. Il a retiré son bandage il y a maintenant deux jours, et je ne pourrais pas être plus fière de lui.

Du côté de mon cinéma avec Iris, mon émotion dominante est... la peur. Même si je ne l'ai pas montré en acceptant son invitation la semaine dernière, je suis totalement terrifiée de la façon dont va se dérouler la soirée... Depuis que nous nous sommes avoué nous plaire respectivement, j'ignore ce que cette séance de cinéma sera aux yeux d'Iris. Un rendez-vous ? Un simple ciné entre amies ? Ca me rend folle. J'en ai parlé à Pogno ce matin, qui a levé les yeux au ciel en m'affirmant qu'il s'agit « ÉVIDEMMENT d'un rendez-vous, patate ». Bien sûr, ça m'a rendu encore plus nerveuse. Et comme Pogno ne m'était d'aucune aide pour la préparation de ce date, puisqu'elle sortais toute la journée avec ses amis, je me suis tournée vers ma mère Anne.

Depuis mon coming-out, je me sens étrangement plus proche de mes parents. Nous étions déjà complices avant, bien sûr, mais je ne me confiais quasiment jamais à eux. Il y a quelques mois, si j'avais eu un rendez-vous de prévu, je n'en aurais en aucun cas parlé à ma mère : Zoé aurait très bien rempli ce rôle de confidente et m'aurait aidé à organiser l'évènement de A à Z. Mais je ne pouvais pas en discuter avec Zoé, notre relation était toujours étrange et mes sentiments à son égard, même s'ils s'étaient affaiblis, refusaient de s'envoler tout à fait. Timidement, j'ai donc avoué mon date avec Iris à ma Maman. Je n'aurais jamais cru qu'elle était le genre de mère à être super excitée pour sa fille et à l'emmener faire du shopping pour son premier rendez-vous, mais j'ai été stupéfaite de voir que c'était le cas ! Ce côté d'elle n'avait simplement jamais été dévoilé au grand-jour, Pogno étant aromantique et moi restant jusqu'à aujourd'hui cruellement célibataire. Ma mère m'a donc accompagné faire les boutiques en début d'après-midi, et je dois avouer que je me suis bien amusée, partageant avec elle un moment mère-fille que je n'avais jamais expérimenté auparavant. Elle m'a offert un col roulé rouge, près du corps, très vif, ainsi qu'une courte veste en jean vintage trouvée en soldes dans un magasin du Vieux Lyon. Nous sommes rentrées à seize heures pour que je puisse avoir le temps de me préparer. Après une intense réflexion, une crise de larmes à cause du stress et une tasse de tisane au citron concoctée par mon père, j'ai fait mon choix de vêtements, enfilant un peu près la même tenue que lors de la soirée où Iris et moi avions dansé ensemble pour la première fois : pendentif en argent, jupe en jean, collants fins noirs et boots talonnés. La seule différence était mon nouveau col roulé écarlate à la place du pull bleu-vert, et la veste en jean passée par-dessus. J'ai brossé rapidement mon carré de boucles et pour le maquillage, j'ai simplement appliqué du rouge à lèvres vermillon sur ma bouche : le final est vif, pimpant et plutôt osé... Mais j'aime bien. J'ai eu peur de faire trop, mais mes parents m'ont assuré que j'étais « par-faite », alors, comme j'étais en retard – encore – je les ai remercié et suis partie de l'appartement en un coup de vent avant que je ne change d'avis.

Le Théâtre Du CœurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant