chapitre I Boulot Dodo

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Août.

Il fait chaud. L’air ambiant sent bon les épices et les lys roses – une odeur, sucrée, entêtante, avec une note de vanille.

Le soleil se couche à l’horizon, embrasant l’océan qui s’étend à perte de vue. Je m’assieds sur le tapis volant tissé de fils de soie chatoyants ; Thor, le héros de mes rêves, vient m’y rejoindre. Ses muscles roulent sous son plastron tandis qu’il se penche vers moi. Son visage se rapproche du mien. Ooh, il va m’embrasser… Il m’effleure de sa bouche qui remonte le long de ma mâchoire, s’arrête près de mon oreille… Son souffle sur ma peau me fait frissonner. Va-t-il me dire qu’il m’aime et qu’il braverait tous les dangers pour moi ? J’en frémis d’avance. Je sens qu’il passe sa langue sur ses lèvres avant de me dire d’une voix suave et féminine : « Ho-ho ! ! ! Mel ! Réveille-toi ! Tu vas être à la bourre ! »

Je grognais, ouvrit péniblement un œil, fis le point : j’étais dans un lit. Le mien. Ma chambre. La voix haut-perchée qui m’avait sortie de ce rêve si agréable appartenait à Vivi – Virginie – ma jeune sœur. Quelle idée avais-je eu de regarder deux films de super-héros à la suite ? Bon d’accord, il fallait l’avouer, j’avais un petit faible pour Wolverine, son torse musclé et ses excroissances en Adamantium. Des accessoires virils. À mon sens, les griffes, c’était sensuel, ça transperçait, c’était dangereux, mais bien dur ! Quant à Thor, ce géant blond venu du nord, ses muscles, ses cheveux longs et son marteau Mjolnir, ce symbole de force brute… il avait visiblement décidé, sans me demander au préalable la permission, qu’il avait le droit de squatter mes rêves… Bref, gros déballage de testostérone = rêve érotique assuré ! Je tournais la tête en direction du réveil que je n’avais pas entendu. 8 heures.

8 heures ? Ooh ! Mon Dieu ! J’allais être en retard au boulot !

Au fait, salut ! Moi, c’est Mélanie Le-Guennec, j’ai 32 ans.

Je ne suis pas très grande – 1,68 m, mais peu m’importe, comme disait Coluche « la bonne taille c’est quand les pieds touchent par terre », je ne suis pas spécialement mince non plus, mais mes formes sont harmonieuses : mon 95 D se marie très bien avec mon tour de hanches. Je n’ai donc pas à me plaindre. Ma peau est café au lait (allongé, avec 5 sucres) et mes cheveux – ma tignasse, devrais-je dire – un mélange entre le crépu (pensez aux Jackson Five, vous en aurez alors une petite idée) et la texture de ceux de Marianne James. Je dois être représentative de pas mal de monde : on me croit malgache, parfois brésilienne, ou bien marocaine… Mais non, juste métisse : pôpa breton, maman martiniquaise, ce qui n’est déjà pas mal !

Depuis le départ un an plus tôt de nos parents partis s’installer aux Antilles, ma sœur – de dix ans ma cadette – et moi, vivions ensemble. Papa et maman avaient toujours rêvé de passer leur retraite dans les îles, alors quand le moment fut venu, ils n’avaient pas hésité une minute. Mais ils nous manquent beaucoup. Heureusement, Skype était là pour que nous les voyions une fois par semaine. Vivi et moi avions toujours été proches de nos parents. Il avait œuvré comme plaquiste, elle avait travaillé comme employée de restauration scolaire, ils n’avaient jamais roulé sur l’or, mais ils avaient fait leur possible pour que nous ne manquions jamais de rien, ils nous avaient donné confiance en nous,  nous avaient soutenues et poussées à aller jusqu’au bout de nos rêves et ambitions. Ma scolarité, comme celle de Vivi, avait été, disons… exemplaire et j’avais décroché un Master en image et communication avec mention. Et à ma grande satisfaction, j’habitais à Fontainebleau : la ville était belle (et pas seulement son célèbre château), dynamique, animée jusqu’à tard le soir et surtout située à deux pas d’un écrin de verdure : la forêt de Fontainebleau. J’aimais m’y balader des heures durant, escalader les rochers… J’y trouvais réconfort, sérénité et inspiration.

Un super héros sinon rienOù les histoires vivent. Découvrez maintenant