Chapitre IV partie 2

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    12 h 45

Je sortis de la salle de bain encore en peignoir, mais maquillée – manquait seulement une touche de gloss – et les cheveux savamment « bouclissés » – à savoir bouclés ET lissés.

Un café fumant m’attendait sur l’îlot central de la cuisine.

Ma sœur aussi.

     — Tu as vu l’heure qu’il est ? Le mariage est dans une heure et tu es encore à poil ! me fit remarquer Vivi en soufflant délicatement sur son double café au lait de soja (beurk !).

  — Moi aussi, je suis ravie de te voir !  maugréai-je, un brin agacée.

Franchement, à une époque pas si lointaine, elle aurait eu la tête coupée pour moins que ça et il serait peut-être temps qu’elle s’en souvienne. Note pour moi-même : ressortir mes manuels d’histoire et les lui balancer dans la tronche.

Depuis quelque temps, ma sœur était devenue une folle, et le mot était faible, elle s’était métamorphosée en une vraie maniaque de la diététique. Tofu, lait de soja, compléments alimentaires, la totale. Sauf quand elle était au trente-sixième dessous, auquel cas elle engloutissait des litres de glace et de cochonneries sucrées en tous genres. Je n’arrivai pas à comprendre comment on pouvait vivre de cette façon.

Moi, ce que j’en pensai, et je le criais haut et fort : on nous avait dotés de cinq sens, dont celui du goût, et ne l’utiliser que pour béqueter des choux de Bruxelles vapeur ou des courgettes à l’eau c’était un peu comme se rendre volontairement aveugle. Je prônai le retour en force des plats traditionnels, daube de bœuf, saucisse-aligot, choucroute garnie et consorts. Non, non, non, jamais je ne me serais soumise au diktat du zéro-calorie, pour moi, la vie était une succession de plaisirs dont la bonne bouffe faisait partie.

Parfois, il m’arrivait de penser que sa rupture avec Lucas avait laissé plus de traces que ce qu’elle voulait bien dire, sans compter que c’était encore relativement frais. C’était la seule raison valable pour expliquer son brusque changement de régime alimentaire : d’une façon ou d’une autre, elle avait fait l’amalgame entre son poids et la tromperie de son ex. Idée totalement stupide quand on savait qu’elle était plus grande et plus menue que moi. J’avais bien essayé d’évoquer le sujet avec elle, mais comme à son habitude, elle s’était braquée. Dire que j’étais inquiète était un bien grand mot, mais je gardai un œil sur elle, juste au cas où… Le moment venu, elle reviendrait à de meilleurs sentiments concernant son physique. Ou bien elle allait devoir se préparer à un sévère remontage de bretelles de ma part.

Vivi était aussi d’une humeur de chien, alors je ne pris pas le risque de la contredire pas lorsqu’elle partit dans un monologue sur « l’art et la manière d’arriver à l’heure, surtout quand on était témoin de mariage et qu’un homme devait venir nous chercher ». Long discours finissant par un « il faudrait voir à ne pas le faire attendre le pauvre ».

Ne pas en conclure que j’étais tout le temps en retard. En plus, je détestais être à la bourre. En fait, j’arrivai souvent à l’heure, même si parfois, c’était un peu tendu. Je savais très précisément combien il me fallait de temps pour prendre une douche, m’habiller et prendre mon café. Cinquante-sept minutes et dix-huit secondes. Mais en ce samedi matin si spécial, tout semblait aller de travers. Par contre, je devais dire que même si ma sœur n’avait pas tout à fait tort quant au fait que je n’étais pas en avance, la transformation subite de Vivi en mégère autoritaire et donneuse de leçons était plutôt terrifiante. Tellement, que je ne finis pas mon café et me précipitai vers ma chambre pour terminer de me préparer et surtout, échapper à ses récriminations.

Un super héros sinon rienOù les histoires vivent. Découvrez maintenant