Chapitre III partie 1

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L’ex

Septembre

Période très chargée niveau travail. Seule responsable en cause : la rentrée littéraire. De nouveaux auteurs étaient signés, ceux déjà présents sortaient leurs livres. Bref, je passais mon temps à courir, il fallait être sur tous les fronts à la fois. Ma sœur commençait visiblement à se remettre de sa déconvenue amoureuse, quant à moi, depuis quelque temps, j’étais à prendre avec des pincettes. Tous les matins, je me levais et regardais mon lit qui me semblait de plus en plus grand et… vide. Certainement la source de mon humeur de chien. J’aurais pu faire politiquement correct, parler de vulnérabilité, mais depuis l’épisode désastreux qui avait suivi le gala de charité, question sentiment – ou plutôt question cul, c’était le désert de Gobi. Pas une rencontre. Rien. Nada. Que pouic. Clairement, je n’étais pas loin d’être en jachère. Et c’était ce qui me foutait les nerfs.

Ma sœur avait raison : j’allais finir vieille fille. Alors, je pris une grande décision : j’allais prendre ma vie en main. Pas que je fus à tout prix en quête du mâle qui partagerait ma vie, mais je refusais de finir vieille et seule avec mes 6 chats.

Qu’est-ce qui me chagrinait, pourquoi une telle effervescence ?

 Le samedi suivant, Lucy allait passer du côté obscur. Enfin, elle allait se marier – lâcheuse ! Elle m’avait choisie pour témoin et je n’avais, jusqu’ici, pas trouvé l’ombre d’un cavalier pour m’accompagner. Je n’avais pas de « mâle » dans mon entourage proche et il valait mieux ne pas songer à inviter un de mes collègues de la Com. Je ne voulais même pas en parler de peur de subir les assauts de Pierre-Marie qui s’obstinait à ne pas comprendre que ma révélation de l’autre soir avait quelque chose à voir avec les vapeurs de l’alcool – il avait bien fallu y trouver une raison – et s’obstinait à se pointer au bureau avec un bouquet de pâquerettes tous les matins. Me prenait-il pour Caroline Ingalls ? Je préférais ne pas m’attarder sur la question. Ce n’était plus de l’amour, c’était de la rage ! Dans tous les cas, il allait falloir que j’établisse un plan de bataille. Un truc du genre « nom de code : Mariage » ou « Les aventuriers du cavalier perdu » et vite. Rien de plus humiliant que d’arriver à la noce sans être au bras d’un mec. On s’en foutait s’il avait des boutons, mais il me fallait trouver quelqu’un qui fasse office de figuration.

Autre chose : j’avais accepté de revoir Damien. Mon ex. Après ma journée de boulot. Mais ça ne changeait rien à mon problème de logistique, il était hors de question de lui demander de m’accompagner au mariage, je n’étais pas désespérée à ce point. Et de toute façon, Lucy ne pouvait pas le blairer.

Je consultai ma montre. 7 h 47. Le train avait un peu de retard. Ce matin-là, j’avais décidé d’aller plus tôt au boulot de manière à pouvoir débaucher en avance, ce qui me permettait d’aller flâner un peu dans Paris jusqu’à l’heure de mon rendez-vous.

Une claque sur le dessus de ma tête me sortit de mes pensées moroses. L’instant d’après, je souriais largement. Il n’y avait qu’une seule personne pour me saluer de la sorte. Je me retournai et lui fis face, le sourire jusqu’aux oreilles.

— Hé ! Tu viens d’assassiner mes pauvres petits neurones ! dis-je au grand type qui me regardait, goguenard.

— Parce qu’il t’en restait encore ?  me répondit-il du tac au tac, avec un clin d’œil.

Lui, c’était Xavier. Analyste programmateur et accessoirement, mon copain de train. Trois ans que nous le prenions ensemble à la même heure.

Comment nous étions-nous rencontrés ? Un télescopage. Ce jour-là, j’étais en retard, je courais donc pour ne pas louper mon train. De son côté, il était dans le même cas que moi. Quand la sonnerie de fermeture des portes avait retenti, j’avais accéléré la cadence et j’avais littéralement volé dans la première rame à ma portée. Lui aussi. D’où le télescopage. Il portait une horrible chose à carreaux – une chemise, semblait-il – et un pantalon en velours côtelé. Le tout agrémenté d’une paire de lunettes lui donnant un air coincé.

Un super héros sinon rienOù les histoires vivent. Découvrez maintenant